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Société

Aux origines de la voie lactée

Un livre retrace l’aventure du lait, au centre de nos vies depuis la révolution laitière il y a 150 ans

Dans le dernier tiers du XIXe siècle, on assiste à une «révolution laitière» qui s’inscrit dans une révolution globale: à la fois sur le plan de la démographie, de l’urbanisation, de l’hygiénisme et de l’agronomie.

 Gilles Labarthe

Gilles Labarthe

27 mai 2023 à 13:19

Parution » En un peu plus d’un siècle, il a transformé nos habitudes alimentaires, est devenu omniprésent au petit-déjeuner, au goûter comme au dessert, et emblématique de la Suisse, qu’il a propulsée au sommet de l’agro-industrie au niveau mondial… Que raconte le lait sur l’histoire contemporaine de nos sociétés? Fabien Knittel, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Franche-Comté (Besançon), publie un ouvrage sur cette épopée.

Lait, fromage, beurre n’ont été consommés qu’en très modestes quantités jusqu’à la fin du XIXe siècle. Qu’est-ce qui a soudainement changé?

Fabien Knittel: La filière lait, surtout bovine, émerge réellement dans le dernier tiers du XIXe siècle. On parle alors de véritable «révolution laitière». Il s’agit en fait à cette époque d’une révolution globale: à la fois sur le plan de la démographie, de l’urbanisation, de l’hygiénisme, de l’agronomie… Les travaux de Pasteur et la microbiologie amènent à de nouvelles manières de comprendre et de traiter la matière et ses produits… Toute cette configuration favorise les débuts de l’industrialisation de sa production.

Pourquoi cette «soif de lait», dès les années 1870?

Consommer du lait ne devient plus dangereux. Pendant longtemps, on risquait un peu sa vie à en boire, ou alors il fallait le faire directement après la traite, ou au pis. Avec les nouveaux procédés de réfrigération, de conservation, le développement du rail et des autres transports, le suivi de la qualité s’est renforcé, entre ceux qui le produisent et ceux qui le vendent. La pasteurisation offre aussi une nouvelle possibilité, celle d’avoir un lait qui peut se substituer au lait maternel, et qu’on peut proposer aux nouveau-nés, surtout à destination des jeunes familles urbaines… Dès ce moment-là et tout au long du XXe siècle, on insiste sur l’apport calorique essentiel du lait et sur ses bienfaits pour des enfants peu, ou sous-alimentés.

Qu’est-ce qui vous a surpris dans le parcours d’Henri Nestlé, à la base de ce qui constitue aujourd’hui un géant de l’agroalimentaire?

A l’origine, c’est un pharmacien, pas très titré, qui commence à essayer de construire une sorte de fabrique en faisant feu de tout bois: un peu de produits chimiques, des médicaments, des cosmétiques… Et puis le lait. Et là, il y a l’influence de sa femme sur cette question des farines lactées dans l’alimentation des nouveau-nés. On sait qu’il y a un rapport particulier à cette question de la maternité. On peut considérer que quelque chose se joue dans le couple Nestlé autour de ce produit, qui, avec le lait concentré, est élaboré à une échelle industrielle dès 1866-1867 et devient rapidement le produit phare de l’entreprise, avant que la famille Nestlé ne passe la main et que l’entreprise ne devienne la multinationale que l’on connaît.

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