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Vaud

Homicide de Mike Ben Peter. Un cas «douloureux», selon la Cour

Le procès de six policiers lausannois accusés d’homicide par négligence s’est ouvert hier à Renens


Raphaël Besson

Raphaël Besson

13 juin 2023 à 04:01

Justice » Cinq ans. Cinq ans après les faits pour «une affaire douloureuse, difficile, atypique et médiatique», a d’emblée relevé le président de la Cour, Pierre Bruttin, devant l’audience très fournie de la salle cantonale de Renens. Il s’est écoulé en effet cinq longues années entre le décès du Nigérian de 39 ans Mike Ben Peter lors d’un contrôle de police antidrogue à Lausanne en février 2018 et le procès de six agents de la ville accusés d’homicide par négligence.

Autant dire que le rendez-vous était très attendu par la famille de la victime, dont deux membres étaient présents à Renens, ainsi que par les accusés. Un procès aussi réclamé par une communauté entière qui s’est mobilisée à de nombreuses reprises pour dénoncer un acte raciste, selon elle, avec de multiples manifestations, la dernière réunissant plus de 400 personnes à Lausanne il y a quelques jours.

Une grande banderole a même été dressée brièvement. Elle demandait la vérité et dénonçait les brutalités policières: «Mike Ben Peter rest in power, we will never forget you» («repose en puissance – ou en force, nous ne t’oublierons jamais»). Le ton était donné à l’extérieur du tribunal correctionnel.

Parquet attaqué durement

A l’intérieur de la salle moite et à l’acoustique déplorable, le procès a bien sûr changé. Le style et le rythme de la justice ont supplanté les ardeurs militantes, d’autant plus que les six policiers ont chacun un avocat, ce qui multiplie les procédures.

Conseil de la famille de Mike Ben Peter, le Genevois Simon Ntah a cherché malgré «la complexité de l’affaire» à rester incisif, de manière à essayer de déstabiliser les accusés et leur défense ainsi qu’à remettre en cause l’enquête pénale dirigée finalement par le procureur Laurent Maye. Il a eu des mots durs envers le Ministère public qui «n’a pas enquêté sérieusement sur la mort de Mike Ben Peter», à ses yeux. «C’est un constat terrible» qu’il dresse à l’encontre du travail du Parquet auquel il reproche beaucoup, avec en arrière-fond une façon de dire «policiers = innocents, Nigérians = trafiquants de drogue».

Selon Me Ntah, les six policiers accusés ont eu tout loisir de se mettre d’accord sur une version commune après le contrôle fatal près de la gare. «Il fallait les séparer immédiatement» et ne pas les laisser des heures ensemble, et éviter ainsi le risque de collusion. L’avocat dénonce également la mauvaise recherche de témoins du drame dans un quartier peuplé qui a dû «entendre les cris de détresse» de Mike Ben Peter.

Pour toutes ces raisons, il a demandé que soit retenu l’homicide intentionnel par dol éventuel, ce qui signifie que les policiers étaient conscients du risque qu’ils faisaient courir à la victime et qu’ils s’en sont accommodé. Ses réquisitions ont néanmoins toutes été rejetées par la Cour, à l’instar également de la prise en compte de nouvelles théories explicatives venues des Etats-Unis sur la problématique du plaquage ventral des suspects que l’on veut immobiliser, et qui impliquaient une nouvelle audition des experts.

Enchaînement fatal

Car c’est bien là que se situe un des points essentiels de ce procès: comment les policiers lausannois ont pratiqué l’arrestation musclée de celui qui est soupçonné de trafic de drogue près de la gare. Le 28 février 2018, un des agents, chef de la patrouille, se retrouve seul à la rue Sainte-Luce, interpelle un homme qui ramasse un sachet plastique contenant de la marijuana.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est bien à partir de ce très banal contrôle qu’une mort surviendra, avec l’admission au CHUV à 23 h 38 de Mike Ben Peter en arrêt respiratoire, avant d’être déclaré mort le lendemain matin. Pour les policiers, le suspect s’est débattu violemment, rendant impossible de le maîtriser même à plusieurs. Il a fallu le mettre au sol pour réussir à le menotter après d’énormes efforts, spray au poivre et bâton tactique compris, le maintenir en plaquage ventral, alors que l’on sait que cette position est «notoirement dangereuse». Pour se rendre compte tout d’un coup que Mike Ben Peter faisait un malaise, ne respirait plus et qu’il fallait d’urgence appeler des secours.

Le procès dure en principe jusqu’à mercredi, avec un jugement rendu le 21 juin.

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