Paradis fribourgeois des orchidées
Le Mont-Vully abrite une vingtaine d’espèces, toutes protégées. Balade en compagnie d’un spécialiste
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22 mai 2020 à 21:38
Plantes » Gregor Kozlowski n’en croit pas ses yeux. Malgré plus de trente ans de recensement à son actif, le directeur du Jardin botanique de l’Université de Fribourg n’a jamais vu autant d’orchidées sur le Mont-Vully. «La sécheresse du mois d’avril a joué en faveur de ces plantes méditerranéennes, qui aiment la chaleur et le temps sec. C’est vraiment une année à orchidées exceptionnelle, même si elles sont plus petites que d’habitude», s’enthousiasme le professeur en biologie, contemplant un talus à la végétation luxuriante, coincé entre une falaise et les vignes, au-dessus du village lacois de Praz.
Davantage connu pour ses vins, son panorama et ses paysages à couper le souffle, le Mont-Vully compte une vingtaine d’espèces d’orchidées sur la soixantaine recensée en Suisse et les 25’000 comptabilisées à travers le monde. Parmi toutes ces plantes, on peut observer des fleurs très rares, à l’image du limodore à feuilles avortées qui se cache dans les bois. «Le Mont-Vully constitue la Mecque fribourgeoise des orchidées. Peu de gens le connaissent pour y abriter autant d’espèces et d’individus», admet Gregor Kozlowski en s’agenouillant dans l’herbe pour présenter un platanthère.
Plantes protégées
Il a fallu des milliers d’années après les dernières périodes glaciaires pour que ces fleurs quittent le bord de la Méditerranée et viennent s’installer sous nos latitudes. Le Mont Vully, et plus spécialement sa face sud (côté lac de Morat), est le paradis pour les orchidées, qui aiment principalement le soleil, le chaud et le sec. «Elles poussent dans les endroits où il y a peu d’interventions humaines. Elles aiment les coins cachés, en pente, dans les forêts, au pied des falaises qui gardent la chaleur», énumère le professeur de biologie. La balade se poursuit en empruntant un sentier qui monte à travers la forêt. A l’orée, Gregor Kozlowski se dirige vers les hautes herbes pour montrer un ophrys mouche qui se cache. Ses pétales commencent à faner, car il fait partie des orchidées printanières, qui fleurissent de la mi-avril à la mi-mai. D’autres espèces préfèrent l’été et déploient leurs plus beaux atouts en juin et en juillet.
« L’orchidée attire l’attention. La beauté de la nature est un argument non négligeable »
Gregor Kozlowski
Malgré les apparences, ces plantes sont menacées d’extinction, raison pour laquelle elles sont protégées. Interdiction donc de les cueillir. «Il y a eu beaucoup de déprédations dans les années 1950 et 1960. Les gens les cueillaient et les vendaient à tour de bras. Les orchidées sont ensuite devenues rares à cause notamment de l’intensification des travaux agricoles et forestiers, de la destruction des milieux naturels ou encore des pesticides», mentionne le scientifique en ajoutant que les plantes invasives menacent également leur écosystème. A l’image de ces robiniers originaires d’Amérique du Nord, qui couvrent la parcelle surplombant les vignes.
Ouvrage en projet
Pour Gregor Kozlowski, il est primordial de sauvegarder les orchidées, la plante de tous les superlatifs à l’important capital de sympathie. «Elle attire l’attention. La beauté de la nature est un argument non négligeable», considère-t-il, en admettant qu’il s’agit d’un critère subjectif. Sa valeur scientifique est toutefois très précieuse, assure le spécialiste. «Les orchidées offrent de la nourriture pour de nombreuses espèces d’insectes. Leur valeur biogéographique (leur répartition et leur diversité sur la planète) est également importante.» Pour assurer leur protection, plusieurs mesures sont prises, comme la coupe des plantes envahissantes. Les lieux où elles ont trouvé refuge sont gardés secrets par les scientifiques afin de freiner la curiosité de nombreux passionnés, qui risqueraient de causer d’importants dégâts.
Leur préservation passe également par la sensibilisation du public. Le Jardin botanique de l’Université de Fribourg, dont l’une des missions est d’explorer et d’étudier la flore cantonale, prévoit de consacrer un ouvrage bilingue sur les orchidées du Mont-Vully. «Nous avons démarré ce projet l’année passée, et nous nous sommes donné jusqu’à 2023 pour le terminer. L’idée est de présenter les espèces recensées de Sugiez à Lugnorre sur un périmètre autour des vignes et des forêts afin de valoriser cet endroit encore peu connu des gens», détaille Gregor Kozlowski. Sur le chemin du retour, le docteur en biologie confie ses craintes. Avec la pandémie de Covid-19, il a bien conscience que les priorités ont changé pour les gens et que la protection de la nature risque de passer au second plan. «C’est primordial d’en prendre soin et d’éviter les erreurs du passé», martèle-t-il.
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