Les membres du conseil de fondation de l'ACSMS toujours sous pression
La débâcle du fonds de prévoyance de l’ACSMS continue de hanter ses protagonistes. Témoignages
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19 décembre 2022 à 14:07
Justice » «Parfois, je me dis que tout ça n’est pas réel…» Michel Roh, 62 ans, vit un cauchemar depuis près de dix ans. Un de ceux qui vous rongent de l’intérieur, vous privent de sommeil, vous plongent dans la dépression. Et vous font perdre les économies d’une vie. Dans une autre existence, Michel Roh a été chef de cuisine au Home médicalisé de la Sarine. En 1986, à la demande du directeur de l’époque, il accepte, pour rendre service, de représenter le personnel de l’établissement au sein du conseil de fondation de l’Association des communes de la Sarine pour les services médico-sociaux (ACSMS). La suite de cette histoire s’écrit en lettres capitales dans les annales judiciaires d’une des plus grandes faillites qu’ait connu le canton de Fribourg.
«Parfois, je me dis que tout ça n’est pas réel…»
Michel Roh
Mené en bateau, à partir de 2005, par un nouveau gestionnaire de fortune (et accessoirement beau-fils du directeur du home) aussi beau parleur qu’adepte de placements à haut risque, le conseil de fondation accepte, en 2009, de lui confier un mandat discrétionnaire pour la gestion du fonds de pension. «Nous en avons discuté pendant des mois. Le fonds versait davantage de prestations que ce qu’il rapportait. Le taux de couverture devait être amélioré. Il nous fallait un rendement minimum de 5% pour être viable.»
Des menaces
Les membres du conseil de fondation ne sont pas des spécialistes des placements financiers. Et le gestionnaire est convaincant. Ses explications, s’appuyant sur divers documents bancaires, emportent même l’assentiment du réviseur des comptes et de l’experte LPP engagés par l’ACSMS.
20
millions de francs, le montant que les membres du conseil de fondation doivent rembourser.
«Comment aurions-nous pu nous douter que quelque chose clochait, alors que la Banque Cantonale de Fribourg elle-même a accepté de nous accorder des crédits, garantis par les titres donnés en gage par notre gestionnaire?» En quelques années, tout l’argent du fonds se volatilise dans des placements hasardeux. En 2014, le découvert se monte à 57 millions de francs. C’est la faillite. «J’ai dû l’annoncer au personnel du home. Certains ont mal réagi, m’ont accusé moi et les autres membres du conseil d’avoir perdu l’argent. J’ai subi des menaces, mon portrait a été tracé au feutre rouge sur les photos du jubilé de l’établissement. Ils ne pouvaient pas savoir, mais ça a été très violent…»
«Où est la justice?»
Pour Michel Roh, le pire est toutefois à venir: inculpé par le Ministère public fribourgeois, il se retrouve embarqué, avec les trois autres membres de la commission de placement du conseil ainsi que le réviseur des comptes et l’experte en prévoyance professionnelle, dans une longue et éprouvante procédure pénale qui se soldera par un acquittement complet et définitif en 2020. «La procureure était d’emblée convaincue que nous avions touché des pots-de-vin de la part du gestionnaire, ce qui était évidemment faux», se souvient-il. En 2017, il perd son travail. «J’ai fait un burn-out terrible, et puis j’ai été jeté comme un chiffon après trente ans de bons et loyaux services…» Les indemnités que lui allouera le tribunal pénal après son blanchiment lui permettront à peine de couvrir les frais engendrés par l’affaire.
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