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Canton

Il a fait rimer vitrail et trouvailles

Désormais ancien directeur, Stefan Trümpler revient sur ses trente ans au Vitrocentre et au Vitromusée

Stefan Trümpler, sans le moindre vitrail aux alentours: la transition est faite. Mais le spécialiste gardera tout de même un pied dans la recherche.

 Stéphane Sanchez

Stéphane Sanchez

24 décembre 2019 à 02:01

  • Sous le verre, le mystère«Cette tête de Sibylle orne une armoire de cabinet datant de 1625 environ. Le centre de recherche avait noué une collaboration intense et chaleureuse avec Frieder Ryser et son épouse Ruth. Cet ingénieur bernois, passionné de peinture sous verre, avait réuni une collection de recherche de plus de mille pièces, du XIIe au XIXe siècle. Inestimable! Et il nous l’a léguée. Cela a donné lieu à l’agrandissement du musée, inauguré en 2006. Ce don a même redéfini la mission du musée et du centre, qui s’est étendue à la peinture sous-verre et au verre soufflé. Cette tête de Sibylle, elle, fait partie de cette collection. Elle est signée par un artiste dont on ne connaissait que le monogramme: VBL. C’est longtemps resté un défi pour nos chercheurs. Une collègue, Elisa Ambrosio, étudie comment cet artiste suisse a travaillé à Naples, au début du XVIIe siècle. Il y a transposé des procédés utilisés en Suisse, pour orner des meubles destinés à l’aristocratie italienne et espagnole (Naples était gérée par le vice-roi d’Espagne). Une histoire passionnante est en train de renaître.» SZ
  • Le «coup de chance»«On doit la présence de ce vitrail à Romont à un énorme coup de chance. Presque tous les vitraux de Marc Chagall se trouvent dans des églises. Grâce à l’exposition que le musée avait dédiée à l’artiste en 2007, nous avons appris que cette pièce isolée était mise aux enchères dans une petite ville de campagne du nord de la France. Peu d’intéressés l’ont su, ce qui fait que nous avons gagné – le prix restera secret, car c’est une information stratégique. Ce vitrail est ainsi entré dans notre collection en 2011. Il réunit deux «chutes» que l’artiste avait rejetées, lorsqu’il travaillait sur les vitraux de l’église Saint-Etienne de Mayence, en 1979. Le verrier lui avait demandé de les lui dédicacer. Chagall avait fait mieux, en dessinant son autoportrait et un bouquet, en signe de reconnaissance pour leur collaboration. J’ai pu rencontrer ce verrier, Michel Pierret, qui a accepté d’expliquer dans un film la genèse de l’œuvre – le génie du vitrail, la symbiose entre la création et le savoir-faire. C’était magique! Et précieux, pour qui veut rendre cet art vivant.» SZ
  • A l’assaut de la collégiale«Je vais souvent à la collégiale de Romont: la lumière fait partie de l’essence de ces vitraux qui changent constamment, ce qui m’a inspiré de nombreuses recherches. Je m’intéresse aussi à leur histoire. Au début du XIXe siècle, tous les fragments de vieux vitraux d’époques différentes qui «traînaient» dans la collégiale ont été rassemblés dans la fenêtre principale du chœur. Cela formait un patchwork dont nous avons des photos, prises peu avant la vente de ce grand vitrail vers 1880. Les autorités d’alors voulaient rénover le chœur et faire un nouveau grand vitrail: elles ont vendu ce patchwork contre la volonté du clergé, pour qu’il soit exposé au musée à Fribourg. Ce petit vitrail, un rondel, provient d’une collection privée que le musée a reçue il y a quelques mois. J’ai tout de suite pensé à l’une des photos. On y voit ce rondel dans un trilobe qui couronne la grande fenêtre. Le cadre métallique, les plombs, les détails techniques montrent qu’il date du XVe siècle. Il représente les armoiries de la Savoie. Tout conduit à penser que ce rondel est probablement un vestige du grand vitrail créé par Agnus Drapeir, que les ducs de Savoie ont offert à Romont autour de 1460. En profitant d’un exercice des pompiers, j’ai pu monter à l’échelle et prendre des mesures du trilobe: la dimension du rondel pourrait coller. Il faut encore investiguer. Mais ce rondel est pour moi un symbole qui allie ma passion pour cette collégiale et le début de ce qui m’attend: la recherche.» SZ
  • Une grêle destructrice et providentielle«C’est l’un des événements les plus passionnants auxquels j’ai pu participer: la création des vitraux de la Fille-Dieu inaugurés en 1996, après la grande rénovation de l’église. Le monastère romontois avait organisé un concours international. La Mère abbesse Hortense l’appelait le «concours de la divine Providence», parce qu’il avait été lancé de manière peu formelle et aussi un peu confidentiellement, en passant par les monastères de la congrégation. Je devais aussi faire des suggestions d’artistes. Je connaissais l’œuvre de Brian Clarke, qui me paraissait pop art, contemporaine – comme le voulaient les sœurs – et d’esprit cistercien par sa rigueur. J’ai informé Brian Clarke. La communauté a fait son choix à huis clos. Le projet de Brian Clarke l’a emporté, et j’ai pu accompagner la réalisation des vitraux, à Munich. Une réussite. Mais, en 2009, la grêle a réduit ce vitrail précis en miettes. Brian Clarke a refait un projet, dont il a offert la maquette au musée. L’élément orange ne figurait pas dans la version détruite. Brian Clarke m’a dit que cette grêle était «un signe de Dieu»: elle lui a permis d’achever l’ensemble, qu’il trouvait jusque-là incomplet.» SZ

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