Transports » Au temps des pionniers, la voiture était mal-aimée en Suisse. Dans les campagnes et les montagnes, les automobilistes étaient bloqués par des barrages, les opposants sortant parfois le lisier et les fourches. En ville, piétons et cyclistes pestaient contre ces engins de privilégiés, puants et pétaradants. Dans plusieurs cantons, la circulation était limitée ou interdite. Les explications de l’historien Cédric Humair, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne et à l’EPFL, où il enseigne l’histoire sociale et culturelle des techniques dans les domaines de l’énergie et des transports.
Pourquoi, au temps des pionniers, l’automobile était-elle si mal-aimée en Suisse?
Cédric Humair: Les critiques à l’égard de l’automobile étaient relativement semblables à celles d’aujourd’hui. Il y a d’abord le risque. Les automobilistes d’antan provoquaient de nombreux accidents mais échappaient largement à la responsabilité civile. Les lésés n’obtenaient que rarement réparation, ce qui mécontentait grandement la population. Le second problème est sanitaire. Les routes n’étant pas goudronnées, les voitures faisaient des nuages de poussière. Elles souillaient les cultures, mettaient en danger la santé des habitants et, disait-on, contribuaient à propager la tuberculose! De tels fantasmes avaient déjà émergé à l’arrivée du chemin de fer et même de la bicyclette: elle était suspectée d’altérer la fécondité des femmes! Autres désagréments: le bruit engendré par les moteurs et les avertisseurs sonores, mais aussi l’odeur des gaz d’échappement.