Israël – Syrie » En reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le Golan, il y a deux semaines, le président américain Donald Trump a enthousiasmé le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. «Nous n’avons pas de meilleur ami!», a-t-il tweeté, trop heureux de recevoir pareil soutien à quelques jours des législatives israéliennes de mardi prochain. La décision unilatérale américaine a aussitôt été condamnée par Bachar al-Assad, le président syrien la qualifiant d’«irresponsable». Plusieurs autres pays, dont l’Iran, la Russie, la Turquie ou Chine, lui ont fait écho.
De fait, la décision américaine a été prise au mépris total du droit international et des résolutions de l’ONU. Rappelons que le Golan avait été rattaché à la Syrie (sous mandat français) lors du démantèlement de l’Empire ottoman, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Depuis la création de l’Etat d’Israël, en 1948, il n’a cessé d’être l’objet de tensions.
Partage des eaux
Haut plateau géostratégique, fertile et riche en sources d’eau, le Golan a été envahi par l’armée israélienne lors de la guerre des Six Jours en 1967, après plusieurs années de harcèlement syrien dans la vallée du Jourdain. En 1974, une zone tampon a été mise en place à l’est du plateau pour surveiller le cessez-le-feu, globalement respecté (lire ci-contre). Plusieurs tentatives de règlements pacifiques ont été entreprises, en vain. Aujourd’hui, plus de 20 000 colons israéliens et 20 000 Druzes y sont installés, vivant principalement de l’agriculture.
Si ce territoire est pareillement disputé, c’est avant tout pour des questions d’eau. Ce plateau d’origine volcanique, de même que le Mont-Hermon voisin, situé à la frontière libanaise, alimentent en effet tout le bassin du Jourdain. Au début des années 1950, un partage des eaux entre Israël, la Syrie et la Jordanie a été sérieusement envisagé, avec d’importants projets de travaux de mise en valeur agricole.
«L’Administration américaine du président Dwight Eisenhower y voit alors la possibilité d’arriver à un accord entre Israël et ses voisins et de régler le problème palestinien par la réinstallation des réfugiés dans les nouvelles zones mises en valeur», analyse l’historien Henry Laurens1.
Lac comme réservoir
Ce plan «Johnston», du nom de l’ambassadeur américain chargé de négocier avec les différentes parties prenantes, est prêt en 1953. Il consiste à regrouper tous les cours d’eau du nord sur le lac de Tibériade, qui servirait dès lors de grand réservoir naturel d’où partiraient les réseaux d’irrigation vers le sud. Le coût du projet, incluant des barrages de régulation et un drainage du lac, est estimé à 120 millions de dollars de l’époque (environ 1,1 milliard de dollars d’aujourd’hui). Dans ce partage, Israël doit recevoir 394 millions de mètres cubes d’eau, la Jordanie près du double (774 millions) et la Syrie seulement 45 millions de mètres cubes. Grâce à cet apport d’eau, l’organisation des Nations Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens estime qu’on pourrait installer 150 000 Palestiniens en Jordanie.
Mais Israël estime sa part d’eau trop faible. Et les Arabes jugent que les prétentions israéliennes sont exorbitantes, puisque tous les affluents du Jourdain, le Hasbani, le Yarmouk, le Banyas, coulent essentiellement en territoire arabe. Pour eux, le lac réservoir doit être placé en terre arabe. En 1954, la Ligue arabe propose un contre-projet sans lac réservoir, la part israélienne étant réduite de 44% au profit du Liban et de la Syrie. Israël réplique, exigeant le triple du volume de départ. Johnston cherche un compromis. Mais le raid israélien de février 1955 sur Gaza et celui de décembre contre la Syrie anéantissent tous ses efforts.
A partir de 1956, Israël opte pour la dérivation des eaux à partir du lac de Tibériade, construisant le canal national pour irriguer le pays jusqu’au Néguev et concrétiser ainsi le rêve sioniste de faire fleurir le désert. Mais la Syrie initie également un programme de détournement des eaux au détriment d’Israël. Résultat, des confrontations toujours plus violentes, qui se cristallisent lors de la guerre des Six Jours, en 1967.
Aujourd’hui, le lac de Tibériade, qui souffre de pompage excessif et de la sécheresse, reste la principale réserve d’eau douce d’Israël, même si plusieurs usines de dessalement d’eau de mer assurent 75% des besoins.
Dans ce contexte, le Golan conserve son intérêt géostratégique. Benyamin Netanyahou en est conscient, qui a même organisé un Conseil des ministres sur le plateau en 2016, martelant que «le Golan restera pour toujours en main d’Israël». A l’approche des législatives, le bon million d’Israéliens qui se rendent chaque année en promenade sur ce promontoire verdoyant apprécieront…
1 Henry Laurens, Paix et guerre au Moyen-Orient, Ed. Armand Colin, 2005.
Radio: Ve: 13 h 30
TV: Netanyahou 1erDi: 21 h 05
En dates
1923
Le Golan est rattaché à la Syrie sous mandat français.
1946
Indépendance de la Syrie. Ligne de frontière au lac de Tibériade.
1948
Guerre israélo-arabe. Les Syriens se retranchent sur le Golan.
1967
Guerre des Six Jours. Conquête du plateau par l’armée d’Israël.
1973
Guerre du Kippour. Echec d’une reprise syrienne. Zone tampon créée.
1981
Le Parlement israélien entérine l’annexion du Golan.
2019
Le président Trump reconnaît la souveraineté d’Israël sur le Golan. PFY