Allemagne. Un nouveau parti voulant porter la voix des musulmans et proche du président turc Erdogan, fait polémique

A peine fondé, le Dava croule déjà sous les critiques. Le 16 janvier dernier, plusieurs personnalités d’origine turque ont en effet annoncé la création de cette formation nommée «Alliance démocratique pour la diversité et le renouveau» (Dava). Son président, Tefik Özcan, est un ancien membre du Parti social-démocrate (SPD), tout comme l’avocat Fatih Zingal qui sera l’une des têtes de liste aux élections européennes du 9 juin.

Le but de cette nouvelle formation est de «dénoncer clairement les inégalités de traitement et les dysfonctionnements de la société et de veiller à ce que les personnes d’origine étrangère se voient reconnaître leurs droits dans leur intégralité». Dans un communiqué, Dava liste les difficultés que ces personnes rencontrent «lors de la recherche d’un logement, lors de candidatures, mais aussi dans de nombreuses situations quotidiennes comme les démarches administratives» ainsi qu’à l’école où «les élèves d’origine étrangère sont confrontés à l’exclusion et à l’inégalité des chances». «Notre mission est d’être une voix forte pour ceux qui, jusqu’à présent, ont été largement privés de participation et qui ne sont pas représentés politiquement», expliquent ses dirigeants.

«Bras politique de l’AKP»

A peine créée, cette nouvelle formation politique a récolté une avalanche de réactions hostiles, relayées par le tabloïd Bild qui qualifie Dava de «bras politique de l’AKP», le parti du président turc Recep Tayyip Erdogan. L’un des fondateurs de Dava, Ali Ihsan Ünlü, est en effet un fonctionnaire de l’organisation religieuse Ditib, qui gère 900 mosquées dans le pays et qui est financée par l’Etat turc. Le médecin Mustafa Yoldas est, quant à lui, qualifié de proche du Hamas.

Pour le député chrétien-démocrate (CDU) Michael Stübgen, les services de renseignement doivent «regarder de près les activités» de cette nouvelle formation qui «agira exclusivement dans le sens de son parti mère, en Turquie». Son collègue Thorsten Frei va plus loin, en se sentant confirmé dans son opposition au récent changement du droit à la nationalité et qui pourrait bénéficier à plus de deux millions de personnes d’origine turque. «La modification du droit de la nationalité devient une nouvelle porte d’entrée pour l’influence étrangère sur la politique allemande», estime cet élu. Chez les Verts aussi on se méfie. «Qu’une filiale d’Erdogan se présente aux élections ici est la dernière chose dont nous avons besoin», a estimé sur le réseau social X le ministre de l’Agriculture Cem Özdemir, lui-même d’origine turque.

Quid des élections européennes

Face à ces critiques, la direction de Dava répond n’avoir aucun soutien logistique ni financier de la part de la Turquie et dénonce une campagne de «diffamation» et une «entrave ciblée» à l’activité politique des citoyens allemands issus de l’immigration. «Faire des hommes politiques issus de l’immigration des boucs émissaires des maux de la société, les désigner de manière calomnieuse comme le bras armé d’un quelconque gouvernement étranger, a toujours préparé le terrain aux agressions, aux attaques et même aux meurtres», peut-on lire dans un communiqué. «Nous ne tolérerons plus cette exclusion pratiquée depuis des années», estime la direction du parti.

Reste à savoir si cette nouvelle formation, qui cible les musulmans et les citoyens d’origine étrangère, pourra dépasser le 0,5% obtenu lors des élections européennes de 2017 par une formation similaire. La crainte d’une montée de l’extrême droite et la baisse de popularité du Parti social-démocrate, longtemps privilégié par les électeurs musulmans en Allemagne, pourraient, cette année, jouer en faveur de Dava.