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Bande de Gaza. «On doit en laisser mourir»

Le médecin français Raphaël Pitti revient d’une mission de deux semaines dans l’Hôpital européen de Khan Younès. «On doit en laisser mourir.» Il témoigne de la «situation catastrophique» au niveau des soins et des conditions de survie de la population. Témoignage.

Les médecins des hôpitaux de Gaza prennent en charge par terre les patients, faute de place. © Keystone

Thierry Jacolet

Thierry Jacolet

15 février 2024 à 21:10

Temps de lecture : 1 min

Rares sont les Occidentaux à pouvoir entrer dans la bande de Gaza. Et encore moins à pouvoir témoigner de l’impact des bombardements sur la population et les centres de santé. Raphaël Pitti est revenu d’une mission de deux semaines dans l’Hôpital européen de Khan Younès, une ville au sud de la bande de Gaza. Dans cette zone se sont entassés les habitants fuyant les bombardements, soit 1,4 million d’habitants.

Pour le compte de l’Union des organisations de secours et soins médicaux (ex-UOSSM devenu Mehad), une ONG médicale internationale, il a vu la réalité derrière les bilans des victimes annoncés quotidiennement depuis le début de l’opération militaire israélienne, il y a quatre mois (plus de 28 500 morts). «La situation est catastrophique», résume-t-il. Et l’assaut de Tsahal sur Rafah n’a pas encore été donné…

Vous avez travaillé dans des hôpitaux sur des terrains de guerre en Syrie et en Ukraine. Qu’est-ce qui vous a le plus frappé à Gaza?

Raphaël Pitti: Le tri les patients est impossible. On doit laisser mourir les blessés les plus graves, en particulier ceux qui ont des plaies du crâne, comme ceux touchés par les snipers israéliens. Le pire, c’est qu’ils meurent sans accompagnement, sans sédatifs, sans morphine, dans la souffrance. Je n’ai jamais vu cela ailleurs. Ce qui est aussi frappant, c’est la grande proportion d’enfants tués.

L’Unicef a communiqué lundi un bilan de 5350 enfants morts, soit 18% des décès annoncés…

La population est jeune (près de 65% des habitants ont moins de 25 ans, ndlr) et vit dans des zones tellement denses que les bombardements font beaucoup de victimes, même si les Israéliens ciblent les immeubles. Quand ceux-ci s’effondrent, ils endommagent des bâtiments voisins. Comme les Gazaouis n’ont pas d’engins pour déblayer, les cadavres restent sous les décombres. Les survivants écrivent alors sur les panneaux les noms des personnes ensevelies pour espérer un jour récupérer les corps. Les enfants et les femmes sont aussi nombreux à être la cible des snipers qui visent la tête.

Dans quelles conditions avez-vous travaillé dans l’Hôpital européen?

L’hôpital est fonctionnel mais non opérationnel, avec 400 lits pour 900 patients. C’est un chaos incroyable. Il y a énormément de monde à l’intérieur: des blessés, des proches, des réfugiés… Ça se bouscule pour être enregistré, les ambulances vont et viennent. On se retrouve à prendre en charge des polytraumatisés par terre, des brûlés, des blessés en situation hémorragique, des fractures ouvertes, des écrasements, des traumatismes crâniens… On ampute pour aller plus vite car on n’a pas le temps de réparer. L’hôpital est débordé et il faut aussi compter les soins aux 25 000 personnes qui vivent autour. La nuit, ils rentrent dormir à l’intérieur.

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