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Histoire vivante

L’ETA désarmée, le rêve basque perdure

Histoire vivante - Pays basque • Depuis l’annonce de l’arrêt définitif de son activité armée, en 2011, l’organisation basque ETA est en plein démantèlement. Les revendications autonomistes occupent en revanche toujours le champ politique.


PACO AUDIJE, MADRID

PACO AUDIJE, MADRID

27 octobre 2015 à 12:48

Voilà quatre ans que le dernier groupe politique armé de l’Union européenne a renoncé à la violence. Le 20 octobre 2011 était publiée une déclaration unilatérale qui précisait: «L’ETA a décidé l’arrêt définitif de son activité armée.» Battue sur le terrain policier, l’organisation indépendantiste basque l’était aussi sur les terrains social et politique.

Avec des nuances, quelques héritiers politiques continuent à revendiquer aujourd’hui une partie de son programme sans pour autant justifier la violence dans le passé. L’ETA est désormais un acteur qui n’entrevoit aucune perspective de négociation avec l’Espagne. Madrid n’a même pas accédé à la demande des indépendantistes basques de médiatiser leur reddition symbolique.

Le Gouvernement basque (nationaliste) et une Commission internationale de vérification (non reconnue par le Gouvernement espagnol) se sont engagés à certifier un possible désarmement final de l’ETA, à condition qu’il soit sans délais, «complet et inconditionnel».

Le premier ministre conservateur espagnol Mariano Rajoy refuse de délivrer un certificat de quoi que ce soit dans ce domaine. Et la police continue à agir. «Nous avons démantelé leurs structures, tout ce qui pouvait rester de l’ETA. Jusqu’à présent, 161 personnes ont été arrêtées (depuis ce 20 octobre 2011) et aujourd’hui l’ETA n’est qu’un cadavre qui attend son acte de décès. Cela consisterait à reconnaître sa dissolution totale», a déclaré la semaine dernière Jorge Fernández Díaz, ministre espagnol de l’Intérieur.

Il faut tenir compte aussi qu’environ 30% des attentats de l’ETA n’ont pas été vraiment élucidés par les autorités, qui continuent à subir la pression des différentes associations de victimes pour que les coupables soient jugés. «Pourtant, certains pas restent indispensables: la vérification du désarmement total de l’ETA, leur reconnaissance du mal et des injustices causés par leurs actions et leur dissolution définitive», a déclaré Jose Erkoreka, porte-parole du Gouvernement basque.

Nombreux prisonniers

Sans qu’il en soit fait usage, les armes et les explosifs sont toujours cachés quelque part. Et puis il y a un certain nombre de prisonniers qui continuent à se réclamer de l’ETA. Ils sont 328 dans les prisons espagnoles (plus 3 en détention au domicile), 93 en France et deux autres au Portugal et en Allemagne. Les associations proches de l’ETA ne considèrent pas comme étant des leurs ceux qui ont choisi la voie de la reddition individuelle. Ceux-ci ne sont plus dans des prisons éloignées, mais incarcérés à Nanclares de Oca (au Pays basque) et reçoivent des facilités pénitentiaires. Environ une vingtaine d’anciens «etarras» ont choisi «la réinsertion», la «voie Nanclares», ainsi qu’on l’appelle. Ils sont attaqués par les derniers mohicans de l’ETA.

«Aux prisonniers qui ont accepté les conditions de Nanclares, on ne demande pas grand-chose», nous dit Fernando Iturribarría, correspondant du quotidien basque «El Correo», grand expert de la galaxie ETA. «L’Espagne n’exige pas la délation des anciens camarades, comme c’est le cas en Italie. Elle n’attend que la demande de pardon aux victimes et la rupture formelle avec l’ETA.»

Le 23 septembre dernier, les deux derniers chefs de l’ETA, David Pla, 40 ans, et Iratxe Sorzábal, 43 ans, ont été arrêtés dans le sud-ouest de la France. Selon la police, ce sont eux qui ont lu en 2011 le communiqué qui contenait les termes «arrêt définitif de l’action armée».

Au Pays basque, le gouvernement nationaliste attend le résultat des élections législatives espagnoles du 20 décembre pour voir si la certification - officielle, totale - de la fin de l’ETA devient possible. Les dossiers sur la justice due à toutes les victimes et sur une hypothétique libération des prisonniers de l’ETA pourront alors être rouverts.

La Libre Belgique

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Cinquante ans de violence

De la fin des années 1960 au début des années 2010, la cause basque a été dévoyée par l’action de l’ETA. Euskadi ta Askatasuna (Pays basque et liberté) a en effet écrit l’histoire de la lutte indépendantiste en lettres de sang. Pendant cinq décennies, l’organisation terroriste a ôté la vie à 829 personnes, victimes d’attentats à la bombe ou d’assassinats ciblés, et en a blessé et mutilé des milliers d’autres. L’ETA s’est aussi rendue coupable d’enlèvements et a extorqué aux chefs d’entreprises basques un «impôt révolutionnaire». Contre-productive, l’action de l’ETA a révulsé l’Espagne, crispé Madrid et profondément divisé la population basque.

Un tournant s’est opéré depuis que l’ETA a annoncé, en 2011, son renoncement définitif à la lutte armée. «L’ETA, c’est fini», assure le journaliste basque Gorka Landaburu. Le directeur de l’hebdomadaire «Cambio 16» a souffert dans sa chair du terrorisme: son pouce gauche a été arraché par l’explosion d’un colis piégé de l’ETA, en 2001. «Ce qui compte à présent, c’est d’en finir politiquement avec ce conflit, avec la dissolution et le désarmement de l’ETA.» OB/LLB

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La balle est désormais dans le camp politique

Olivier Le Bussy

En juin 2014, entre 100'000 et 150'000 Basques espagnols formaient une chaîne humaine de 123 km reliant la ville basque de Durango à Pampelune, la capitale de la Navarre. La manifestation était calquée sur le modèle de la «cadena humana» catalane du 11 septembre 2013, lors de laquelle près d’un million de personnes avaient joint leurs mains du nord au sud de la Catalogne, sur 400 km. Outre leur forme, le point commun des deux manifestations était la nature de leur revendication: le droit à l’autodétermination.

Car comme les Catalans, les Basques ne se sont jamais vraiment sentis (ou n’ont pas voulu se sentir) chez eux dans la maison Espagne, quand ils ne s’en considèrent pas «prisonniers». Bien que les provinces basques espagnoles aient été intégrées au royaume de Castille dès le XIVe siècle, et la Haute-Navarre depuis le XVe, le sentiment identitaire est resté puissant. Et il est toujours largement partagé par les 2,2 millions de Basques de la Communauté autonome du Pays basque, mais aussi par les 10% de bascophones (environ 50'000 personnes) du nord de la Communauté forale de Navarre.

Est Basque, «Euskaldun», celui qui parle la langue basque, «euskara», dont la particularité est de n’être apparentée à aucune autre langue indo-européenne. Son pays, Euskal Herria, est celui où cette langue est parlée. Soit un territoire qui s’étend de part et d’autre des Pyrénées, chevauchant la frontière franco-espagnole.

Intégré au département des Pyrénées-Atlantiques, le Pays basque français comprend les provinces historiques du Labourd, de Basse-Navarre et de la Soule. Mais s’ils restent jaloux de leur langue et de leurs traditions, les 300'000 Basques de France (dont environ 20% de bascophones) se sont accommodés de longue date de vivre dans un Etat jacobin.

Pour leurs «compatriotes» d’Espagne, en revanche, la période de la dictature franquiste a été vécue comme un cauchemar, a fortiori s’ils se trouvaient, comme les Catalans, dans le camp des vaincus républicains. Pendant près de 40 ans, le franquisme a voulu mater le nationalisme basque, annulant l’éphémère autonomie accordée par la IIe République, réprimant la pratique de la langue et les manifestations culturelles basques. Depuis, la flamme nationaliste ne s’est jamais éteinte. Mais alors que les Catalans n’ont usé de la violence que de façon marginale, le nationalisme basque a été débordé par ses partisans les plus radicaux et gangrené par l’action terroriste de l’ETA.

Le champ politique est désormais le seul où se porte la revendication autonomiste basque. «Le nationalisme basque est dans une phase de transition, de digestion politique du terrorisme», précise le journaliste basque Gorka Landaburu. Le parlement de la Communauté autonome basque est dominé par les nationalistes qui occupent la majorité des 75 sièges. Les conservateurs du Parti national basque (PNV/EAJ) comptent 27 élus. Mais les élections régionales de 2012 ont consacré la montée en puissance du parti Euskal Herria Bildu. Fort de 21 sièges, EH Bildu est l’avatar d’Erri Batasuna, interdit en 2003 du fait de ses liens avec ETA. «Il est temps de commencer à penser en tant que peuple, en tant que pays. Il est temps d’arrêter les ordres venant de Madrid», lançait Laura Mintegi, tête de la liste indépendantiste social-démocrate de gauche EH Bildu, au soir des élections.

Les nationalistes les plus fervents continueront d’entretenir un rêve: celui de voir flotter l’«ikurriña» - avec sa croix blanche catholique et sa croix verte de saint André sur fond rouge - sur un Pays basque indépendant, regroupant les sept provinces historiques, détachées de l’Espagne et de la France. La Libre Belgique

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Elections très attendues

Au Pays basque, les élections générales espagnoles du 20 décembre sont très attendues. Un changement de gouvernement à Madrid permettrait de débloquer la situation et de tourner la page noire de l’ETA. Ces élections pourraient en effet bousculer considérablement la vie politique et économique de l’Espagne, en proie à une crise générale, comme l’explique le documentaire «Espagne, la nouvelle donne», à voir ce dimanche sur RTS 2.

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