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Histoire vivante

Le musée anachronique de Staline

En Géorgie, une expo rend toujours hommage au Petit Père des peuples, sans l’ombre d’une critique

Maintenu dans son plus pur style soviétique d’origine, le Musée Staline, à Gori en Géorgie, conserve une multitude de témoignages, éminemment positifs, de la vie et de l’œuvre du Petit Père des peuples. On y trouve même une boutique de souvenirs à l’effigie du despote. Dans les jardins du musée subsiste l’une des rares statues encore sur pied de Joseph Staline.

Pascal Fleury

Pascal Fleury

6 janvier 2017 à 05:00

Reliquat soviétique » Alors que dans l’ancien bloc de l’Est, la plupart des statues de Joseph Staline ont été renversées durant la «déstalinisation» des années 1960 ou lors de la chute de l’URSS en 1991, à Gori, au centre de la Géorgie, un musée colossal rend encore hommage à l’enfant du pays, dans le style le plus emphatique de la propagande soviétique.

«Le Musée Staline n’a plus été réactualisé depuis 1959», avertit notre guide Giorgi, qui nous accueille au pied d’un monumental escalier de marbre blanc, paré d’un tapis écarlate. En haut des marches, une sculpture du Petit Père des peuples, le regard lointain, attend placidement les visiteurs.

Une montre suisse

Le musée a été édifié par les communistes en 1957, quatre ans après la mort de Staline. C’est dire s’il se garde de toute critique. «Ici, vous ne trouverez rien sur les massacres, les purges, les millions de morts de la famine de 1932-1933, les déportations au goulag», souligne le guide, précisant toutefois que dans une salle séparée sont exposées des archives du NKVD, la police politique de l’URSS.

Totalement anachronique, l’exposition à la gloire du Vojd («Guide») plonge littéralement les visiteurs dans le passé. Sur deux étages, ils découvrent une riche collection de photos, peintures, cartes, diplômes et objets personnels, dont plusieurs pipes usagées et une montre de gousset Longines. De nombreux cadeaux reçus par le dictateur rouge – tapis, porcelaines – témoignent de la «reconnaissance» et de l’«amour» des communistes, y compris français ou italiens, pour leur «grand camarade». Dans une salle circulaire, un masque mortuaire de Staline est pompeusement mis en scène. Le musée conserve 40 000 objets dans ses réserves.

Enfance au séminaire

La visite démarre par l’enfance de Joseph Vissarionovitch Djougachvili, né – officiellement – le 21 décembre 1879 à Gori. La masure de sa naissance fait aujourd’hui l’objet d’un mémorial dans les jardins du musée. Fils d’un savetier géorgien et d’une couturière ossète, qui divorcent alors qu’il a 5 ans, il est poussé vers la prêtrise par sa mère.

Placé au Séminaire orthodoxe de Tbilissi, il en est expulsé en 1899, soi-disant en raison de sa participation à un groupe marxiste, en fait parce qu’il ne s’est pas présenté aux examens, comme le corrige le spécialiste de l’ex-URSS Jean-Jacques Marie dans Staline (Fayard).

Plus loin, l’exposition évoque, nombreux documents à l’appui, les activités révolutionnaires de Staline – il a porté plus de vingt pseudonymes –, sa rencontre avec Lénine en 1905 lors de la première conférence bolchevique à Tampere en Finlande, ses multiples arrestations et évasions, sa longue déportation en Sibérie, son retour à Petrograd (Saint-Pétersbourg), jusqu’à son accession au poste de secrétaire général du Parti communiste, le 3 avril 1922.

En wagon blindé

Eclipsant alors l’échec de la collectivisation des campagnes et l’envoi de millions de personnes aux camps du goulag, le musée souligne au contraire le «développement économique et culturel» du pays et les victoires soviétiques lors de la Seconde Guerre mondiale. Les jardins du musée abritent encore le wagon de train blindé (83 tonnes) que Staline, qui craignait l’avion, a utilisé pour se rendre aux conférences de Téhéran, Yalta et Potsdam. Avec baignoire…

Face au musée, une statue du dictateur soviétique semble également résister au temps. C’est qu’à Gori, le Petit Père des peuples suscite toujours de la nostalgie, même si, à l’époque, il n’a pas épargné la Géorgie. L’enlèvement d’une autre statue de Staline, en 2010 au centre-ville, a d’ailleurs suscité la colère des habitants. Pour sûr, le musée a de beaux jours devant lui…

www.stalinmuseum.ge

Avec le soutien de l’Office du tourisme de Géorgie (georgia.travel) et d’Ukraine International Airlines (flyuia.com)


 

Camarade incontournable en 2017

Le camarade Staline s’annonce incontournable en cette année 2017 qui marque le centenaire des Révolutions russes de février et octobre 1917. Bien que déboulonné par son successeur Nikita Khrouchtchev et exclu du mausolée de Lénine en 1961, le dictateur rouge s’invitera assurément dans les nombreuses commémorations, publications ou autres expositions qui ponctueront cet anniversaire à travers la planète. Les beaux-arts ne seront pas en reste, avec plusieurs expositions au MoMA à New York, à la Tate Modern et à la Royal Academy à Londres, ou encore à l’Hermitage d’Amsterdam.

Au cinéma, c’est Gérard Depardieu qui interprétera le despote vieillissant dans Le Divan de Staline, une adaptation du roman éponyme de Jean-Daniel Baltassat réalisée par Fanny Ardant. Le film sortira officiellement le 11 janvier à Paris. Pour sûr, cette performance de l’acteur franco-russe plaira à son «ami» Vladimir Poutine!

Ces événements ne redoreront évidemment pas le blason d’un des pires «monstres» de l’histoire, le régime de Staline ayant fait 20 millions de morts (goulag, exécutions, déportations, prisonniers, famines…), selon diverses estimations.

Cet anniversaire risque en revanche d’être récupéré par les nostalgiques de l’URSS qui cherchent à réhabiliter Staline, y voyant un «héros national». Selon un sondage, 70% des jeunes Russes ont aujourd’hui une vision globalement positive du personnage… PFY

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