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Histoire vivante

L’éternel combat des antivaccins

L’arrivée de vaccins contre le Covid-19 ravive les scepticismes et les craintes d’une obligation vaccinale


 Pascal Fleury

Pascal Fleury

17 décembre 2020 à 17:49

Temps de lecture : 1 min

Santé » Depuis deux siècles et la découverte de l’inoculation contre la variole, les vaccins font peur ou suscitent le scepticisme, étant considérés comme dangereux et liberticides par une partie de la population. Alors que la deuxième vague de la pandémie de Covid-19 fait rage et que les premiers vaccins arrivent sur le marché, leurs opposants repartent en croisade: ils descendent dans la rue, interviennent dans les médias, lancent des pétitions pour tenter d’influencer les décideurs et l’opinion publique.

41%

des Français affirment vouloir se faire vacciner

Le vaccin contre le coronavirus, dont l’élaboration a fait l’objet d’une compétition acharnée entre groupes pharmaceutiques, est attendu depuis des mois. Etonnamment, à l’heure de sa distribution, seul un Suisse sur deux (49 à 54% selon les sondages) affirme vouloir se faire vacciner, les Français ne seraient que 41% (sondage Ifop) tandis que les Italiens (65%) et Allemands (69%) se montrent un peu moins réticents. Pour comprendre pareille retenue vis-à-vis des vaccins, un regard sur le passé s’impose.

La Providence bafouée

«La contestation de la vaccination est aussi vieille que la vaccination elle-même», rappelle l’éminent historien de la santé Patrick Zylberman, qui signe cette année un ouvrage passionnant sur La guerre des vaccins. En 1796, le médecin anglais Edward Jenner avait inoculé dans le bras du petit James Phipps du pus prélevé sur la main d’une fermière infectée par le pis d’une vache malade de la vaccine, la «variole de la vache» (le mot «vaccin» vient du latin vacca, la vache). L’enfant de 8 ans s’était retrouvé immunisé contre la variole, et le médecin anglais élevé au rang de père de l’immunologie.

Mais à peine cette découverte est-elle reconnue que d’aucuns s’élèvent contre cette pratique «dégoûtante, dangereuse et bafouant la Providence». On craint ce «poison d’apothicaire» qui consisterait à «injecter la maladie avec le vaccin». On observe aussi que la durée de l’immunité est limitée. Plus tard, une revaccination sera prescrite aux adolescents.

Ces récriminations n’empêchent pas l’essor de la vaccination. Des progrès sont constatés, mais des épidémies réapparaissent en raison de l’ignorance de populations qui perpétuent l’ancienne coutume de la variolisation «sauvage», d’origine orientale. Ce «secret byzantin» consistait au départ à contaminer délibérément les jeunes filles promises aux harems avec des souches bénignes pour leur épargner les laides cicatrices de la variole, comme le raconte l’historien Yves-Marie Bercé. Trop souvent, précise-t-il, lorsqu’une poussée virulente frappait un lieu, «le vaccin était aussitôt oublié, discrédité, regardé comme charge coûteuse et honteuse». En 1813 à Norwich (GB), où la variole a frappé 3000 personnes, les familles sont soudain revenues aux recettes de grands-mères, comme les rasades d’eau-de-vie.

Au début du XXe siècle, la contestation contre la vaccination est telle qu’elle génère des soulèvements en Angleterre, aboutissant en 1907 à l’abrogation de l’obligation vaccinale. La population se montre en revanche beaucoup plus coopérative en 1947, lors d’une épidémie de variole à New York, répondant massivement au slogan «Be safe, be sure. be vaccinated» dans un esprit d’obéissance d’après-guerre. Les derniers foyers de contagion sont observés au Pakistan et dans la Corne de l’Afrique. Le dernier cas mondial connu – un cuisinier d’hôpital qui avait échappé aux campagnes de vaccination de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est diagnostiqué le 26 octobre 1977, à Merca en Somalie.

L’opposition aux vaccins ne s’éteint toutefois pas avec la variole, bien au contraire! En 1965 déjà, aux Etats-Unis, les complications vaccinales font débat. Les tenants de l’immunité naturelle et du nihilisme thérapeutique en profitent pour faire entendre leur voix. Lorsque éclate une épidémie de rubéole, le Time Magazine les relaie en prônant les «rubéoles-parties»: garçons et fillettes s’embrassent, tout le monde est infecté, it’s fun! Résultat: 50’000 femmes enceintes infectées, 5000 avortements, 10’000 fausses couches et 25’000 bébés nés avec des malformations.

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