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Histoire vivante

Les migrants au secours de l’Allemagne

Berlin compte sur les réfugiés pour contrer la chute démographique et le manque de main-d’œuvre


Nathalie Versieux, Berlin

Nathalie Versieux, Berlin

16 décembre 2016 à 05:00

Intégration » Confronté à une chute démographique et à un manque de main-d’œuvre, Berlin déploie d’importants efforts de formation pour intégrer le million de migrants arrivés en Allemagne depuis qu’Angela Merkel a ouvert la porte aux réfugiés piégés à la gare de Budapest. «Nous y arriverons!» a répété depuis la chancelière.

Pour l’instant, toutefois, seuls 13% des réfugiés arrivés en Allemagne entre janvier 2015 et janvier 2016 ont trouvé un emploi, selon un sondage*. De nombreux nouveaux venus n’ont de toute façon qu’un accès limité au marché du travail, tant que leur dossier de demande d’asile n’a pas été tranché. «L’expérience montre qu’environ la moitié des migrants ont trouvé un emploi au bout de cinq ans de résidence en Allemagne. Après dix ans, 60% ont un travail, et 70% après quinze ans», rappelle Herbert Brücker, de l’Institut fédéral de recherche sur l’emploi IAB.

PME demandeuses

Actuellement, 340 000 réfugiés dûment enregistrés cherchent officiellement un emploi en Allemagne. Le patronat local a, à plusieurs reprises, promis de faciliter leur intégration sur le marché du travail. Mais pour l’heure, seuls 140 000 d’entre eux disposent d’un contrat de travail en bonne et due forme, selon des chiffres fournis par la chambre de commerce et d’industrie DIHK. 10 000 jeunes ont par ailleurs signé un contrat de formation en alternance et arriveront dans les prochaines années sur le marché.

L’essentiel de cet effort d’intégration est fourni par les PME, qui souffrent le plus du déficit en main-d’œuvre qualifiée lié à l’évolution démographique du pays. Les grands groupes – qui, eux, croulent sous les candidatures – se bornent pour l’heure à offrir, dans le meilleur des cas, des stages (quelques centaines au total pour les entreprises de l’indice boursier Dax).

«Problèmes de langue»

«La voie de la formation est longue, estime le président du DIHK, Eric Schweitzer. A cause des problèmes de langue et des démarches administratives, il faut compter deux ans en moyenne entre l’arrivée en Allemagne et le début d’une formation professionnelle.» En clair, la vague des arrivées de 2015 ne se retrouvera dans les statistiques de l’emploi qu’en 2017, et se traduira dans un premier temps par une hausse… des chiffres du chômage.

«Heureusement, la demande est forte du côté des employeurs, explique Herbert Brücker, de l’IAB. Au cours des cinq dernières années, nous avons créé 1,1 million d’emplois supplémentaires pour les étrangers, à 80% ou 90% dans la restauration, le bâtiment ou le nettoyage.» Le marché du travail allemand continuera donc d’offrir des perspectives aux personnes peu ou non qualifiées.

La structure démographique des migrants est plutôt favorable pour l’emploi: 80% des nouveaux arrivants ont moins de 25 ans, et peuvent encore bénéficier d’une formation professionnelle, indispensable pour trouver un emploi dans le pays. C’est d’autant plus nécessaire que 70% des Syriens, Irakiens et Afghans (les trois principaux groupes de migrants) n’ont pas de diplôme.

Mercedes ou Audi

Ainsi, la trajectoire d’Omar, un Gambien de 20 ans arrivé début 2016 dans les environs de Stutt-gart via l’Italie, est symptomatique. Après des mois d’incertitude sur son avenir et d’errance de foyers de réfugiés en foyers pour jeunes, il a rejoint en septembre le lycée professionnel d’Esslingen, en banlieue de la capitale du Bade-Wurtemberg, dans le sud-ouest du pays.

Comme tous les garçons de sa classe de jeunes adultes, Omar rêve d’un emploi chez Mercedes ou Audi, les deux poids lourds de l’automobile dans la région. Mais la voie est encore longue. Le jeune Gambien fréquente la classe d’intégration de son lycée. Au programme: cours de langue, rudiments d’éducation civique et d’initiation à la démocratie. S’il réussit son test de langue, Omar pourra espérer entamer – toujours au lycée professionnel d’Esslingen – une formation de mécanicien à l’été.

Pour l’heure, il en est encore à trouver ses repères: «En Allemagne, il y a beaucoup de règles, explique-t-il, plutôt à l’aise avec la langue. Il faut être ponctuel, il faut faire ce qu’on a dit qu’on allait faire, respecter le matériel et ne rien casser, ne pas devenir criminel. C’est bien!»

Reste que la situation est loin d’être pérenne. Côté employeurs, on cherche de la main-d’œuvre mais on hésite à «investir» dans un jeune migrant dont le permis de séjour pourrait ne pas être renouvelé ou qui pourrait même un jour, si le contexte politique changeait, être expulsé.

© LibératioN

*Réalisé par le Bureau fédéral pour la migration et les réfugiés et les instituts IAB et DIW.

 

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Les effets de l’immigration sur le taux de natalité

La courbe de natalité est en train de s’inverser en Allemagne, après trois décennies de stagnation. Cette évolution positive est essentiellement due aux mères issues de l’immigration.

Certes, ce n’est qu’un frémissement. Mais la coûteuse politique nataliste mise en place au début de l’ère Merkel semble commencer à porter ses fruits. Le taux de natalité du pays le plus vieux d’Europe est passé en 2015 à 1,5 enfant par femme contre 1,47 en 2014. De ce point de vue, 2015 est la meilleure année depuis 1982 (1,51 enfant par femme). L’an passé, 715 000 bébés sont nés dans le pays, 33 000 de plus qu’en 2014, soit une progression de 4,8%.

Le taux de fécondité doit être de 2,1 enfants par femme pour assurer le renouvellement des générations. A titre de comparaison, ce taux était en 2014 de 1,52 en Suisse et de 1,99 en France, pays dont la natalité est particulièrement dynamique pour le Vieux-Continent.

L’évolution positive constatée depuis trois ans en Allemagne est essentiellement due aux mères issues de l’immigration. En 2015, le taux de fécondité moyen des étrangères était de 1,95 enfant (1,86 en 2014), alors que le nombre de bébés par mère allemande a, lui, quasiment stagné, à 1,43 au lieu de 1,42. Les différences régionales restent également importantes. Globalement, en ex-RDA – dont la natalité très dynamique du temps du régime communiste s’est effondrée à la chute du Mur – le taux de fécondité demeure toujours supérieur à celui de l’ouest du pays.

L’Allemagne applique une des politiques familiales les plus coûteuses au monde, avec un catalogue complexe de 156 mesures, pour un coût annuel total de 55,4 milliards d’euros: allocations familiales de 184 euros par enfant et par mois, maintien du salaire à hauteur de 60% pour les parents d’un jeune enfant désirant l’élever pendant un an à la maison, développement du nombre de places de crèche et, de plus en plus souvent, gratuité de la garde des enfants… L’Etat, depuis la fin du gouvernement Schröder, ne renâcle plus sur les moyens.

La politique d’encouragement de la natalité «commence à montrer des résultats, explique Sebastian Klüsener, chercheur à l’Institut Max-Planck de Rostock. L’Allemagne tend à se rapprocher du comportement démographique des pays de l’Ouest et du Nord, qui ont introduit plus tôt des mesures similaires.» NV/PFY

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