France » L’inauguration, le 5 mai dernier à la frontière franco-genevoise, d’un parcours mémoriel transfrontière, a remis en lumière le rôle déterminant joué par de nombreux prêtres et pasteurs dans le sauvetage de milliers de Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. A Ville-la-Grand, les missionnaires de Saint-François de Sales faisaient passer les fugitifs, mais aussi des soldats alliés et des résistants, par le mur de leur juvénat marquant la frontière avec la Suisse. La filière était organisée en particulier par le Père Louis Favre, un jeune prêtre ordonné en 1936 à Fribourg par l’évêque du diocèse Marius Besson.
Si le courageux religieux a reçu à titre posthume la médaille de Juste parmi les nations, il n’est de loin pas le seul membre du clergé à avoir choisi de «désobéir en conscience» pour tenter d’enrayer le noir dessein nazi. Rien qu’en Haute-Savoie, l’historienne Corinne Bonafoux¹ a dénombré 21 ecclésiastiques catholiques honorés de la médaille du Juste par le Mémorial de Yad Vashem consacré aux victimes de la Shoah. Plusieurs pasteurs protestants ont également été gratifiés de cette haute distinction honorifique.
Les Eglises réagissent
De fait, cet engagement se révèle beaucoup plus important chez les ecclésiastiques que dans les autres professions, et cela dans toute la France. Leur combat se développe surtout à partir de l’été 1942, à la suite de la rafle du Vél’ d’Hiv’, lorsque près de 13 000 Juifs sont arrêtés pour être déportés, et après les arrestations dans la zone Sud, où plus de 10 000 Juifs étrangers subissent le même sort. «La brutalité de ces rafles, et le fait qu’elles n’épargnent ni femmes, ni vieillards, ni enfants, provoquent chez beaucoup un sursaut d’indignation», explique l’historien Fabrice Grenard², spécialiste de la Résistance. Il rappelle que jusque-là, l’Eglise catholique constituait l’un des principaux soutiens et relais du régime de Vichy et prêchait l’obéissance au pouvoir établi.