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Histoire vivante

Les astronautes retournent à la mine

Les ressources de la Lune, de Mars et des astéroïdes attisent la compétition spatiale internationale

Exploitation minière de la Lune, une vision d’artiste qui pourrait devenir réalité d’ici une à deux décennies.

 Pascal Fleury

Pascal Fleury

3 mars 2023 à 02:01

Conquête spatiale » Entre 1969 et 1972, les douze astronautes qui ont marché sur la Lune lors des missions Apollo ont rapporté 382 kg de roches lunaires. La NASA n’avait pas fait les choses à moitié, donnant à ces pionniers de l’espace une solide formation en géologie au Grand Canyon, à Meteor Crater en Arizona et au Lunar Crater dans le Nevada, allant jusqu’à créer des champs de cratères à l’explosif pour parfaire leur entraînement.

Un demi-siècle plus tard, les astronautes ressortent leur marteau de géologue, pointant toujours le regard vers la Lune, mais aussi vers Mars et les astéroïdes. C’est que la pénurie de certains métaux stratégiques a aiguisé les appétits. «De nombreux pays et entrepreneurs considèrent aujourd’hui l’espace comme une ressource commercialement exploitable», observe à Genève la fondation GESDA, dans son Radar 2022 des percées scientifiques¹. Se basant sur l’expertise de plus de trente spécialistes de huit pays, elle brosse un tableau nuancé de l’exploitation des ressources spatiales, évoquant ses atouts, ses défis et ses risques. Elle met aussi le doigt sur l’importance d’une meilleure régulation de l’espace, de sorte qu’il ne devienne pas un nouveau «Far West». Etat des projets et prévisions à moyen terme.

1 La Lune: des pôles à explorer

Si l’an dernier, six nations préparaient des missions vers la Lune, le programme Artemis de la NASA et de l’ESA est le plus avancé. En l’état de la planification, un premier équipage mixte de deux astronautes devrait se poser en 2025 à la surface du pôle Sud lunaire pour une durée de six jours et demi. «Notre premier objectif sera de confirmer si les ressources spatiales, par exemple l’eau lunaire ou l’oxygène dérivé du régolithe lunaire, peuvent être utilisées pour soutenir l’exploration spatiale», explique l’ingénieur système à l’ESA Aidan Cowley, coordinateur des vaisseaux spatiaux au Centre des astronautes à Cologne. Cette connaissance du terrain offrira de nouvelles opportunités scientifiques et économiques.

L'Agence spatiale européenne (ESA), dont la Suisse est membre, est très active dans le domaine. Elle travaille déjà sur un projet d’utilisation des ressources in situ (ISRU), avec la mise au point, d’ici 2025 environ, d’un démonstrateur à petite échelle, capable d’extraire de l’oxygène, de l’eau et des métaux à partir du régolithe lunaire. Parallèlement, elle planche sur la mission PROSPECT, qui vise à tester des technologies pour l’analyse in situ du sol lunaire. «Ces informations seront cruciales pour comprendre le potentiel de la Lune en tant que ressource pour l’exploration humaine future», précise Aidan Cowley, soulignant que l’ESA inscrit dans sa philosophie la promotion du développement durable tant sur Terre que dans l’espace. Récemment, l’ESA a lancé, avec le Centre européen de recherche et d’innovation spatiales (ESRIC) à Luxembourg, un concours international pour le développement de technologies innovantes pour la prospection lunaire. Pareilles technologies seront nécessaires pour l’éventuelle installation d’une station de recherche à la surface de la Lune, comme le projettent conjointement la Chine et la Russie d’ici 2035, ou pour la mise en place d’un hub lunaire en vue de missions vers Mars ou plus lointaines.

Les chercheurs de la fondation GESDA s’attendent d’ici une décennie à une recrudescence d’expéditions lunaires d’entreprises privées pour l’extraction à usage terrestre. Il est question en particulier de l’hélium 3, un combustible de fusion nucléaire. Ils craignent que d’ici 25 ans, les multiples atterrissages et lancements depuis la Lune créent des nuages d’échappement et de poussière amenant à «une altération irréversible de l’environnement lunaire» et finalement à «un renforcement des restrictions pour les missions lunaires».

2Mars: une planète à habiter

Depuis le premier survol de Mars par la sonde de la NASA Mariner 4 en 1965, l’humanité a effectué des dizaines de missions vers la planète rouge. Mars possède une série de ressources utiles pour une présence humaine, comme de la glace d’eau et une atmosphère composée principalement de dioxyde de carbone. Sa composition générale est similaire à celle de la Terre, ce qui faciliterait la construction de bases sur place.

Une expérience d’utilisation in situ des ressources de Mars a déjà été menée dans le cadre de l’exploration du robot mobile Perseverance de la NASA. Le 20 avril 2021, son module MOXIE a fourni un total de 5,37 g d’oxygène à partir de l’atmosphère martienne, de quoi permettre à un astronaute de respirer normalement pendant une dizaine de minutes. Selon l’ingénieur système à l’ESA Aidan Cowley, il sera désormais crucial de passer à l’échelle supérieure, car l’objectif sera potentiellement de produire du carburant pour fusée afin de soutenir les voyages de retour.

En 2017, rappelle le rapport de GESDA, les Emirats arabes unis ont dévoilé un plan sur 100 ans pour construire une ville sur Mars d’ici 2117. Le calendrier de SpaceX est plus serré: son fondateur Elon Musk espère la construction d’une première base martienne d’ici la fin de la décennie. Il développe à cette fin la mégafusée réutilisable Starship, d’une capacité de 100 passagers. Les chercheurs de GESDA tablent pour leur part sur le développement de bases permanentes américaines et chinoises dans les 25 ans. Pour eux, «à moins que des changements majeurs ne soient apportés sur Terre, les humains se dirigeant vers Mars pourraient être moins motivés par l’exploration que par le désespoir, comme ce fut le cas pour de nombreuses migrations intercontinentales au cours du dernier millénaire».

3Les astéroïdes: des corps à exploiter

Le succès de la sonde DART, qui a réussi à dévier la trajectoire de l’astéroïde Dimorphos en septembre dernier, a renforcé l’idée d’utiliser certains de ces petits corps célestes comme sources de métaux précieux pour la Terre. En 2012 déjà, une étude a estimé que le déplacement d’un astéroïde géocroiseur de 7 mètres de diamètre vers une orbite terrestre basse coûterait 2,6 milliards de dollars et prendrait de 6 à 10 ans, alors que la mise en place d’une mine de métaux stratégiques a des coûts presque comparables. L’exploitation minière pourrait se faire in situ. Resterait bien sûr à trouver les perles rares, et à régler la question juridique.

En 2015, les Etats-Unis sont devenus le premier pays à accorder des droits de propriété sur les ressources extraites au-delà de la Terre, un processus qui fait école dans d’autres pays. Foire d’empoigne garantie…

¹GESDA 2022 Science Breakthrough Radar, rapport annuel de la fondation Geneva Science and Diplomacy Anticipator’s, https://radar.gesda.global

Radio: du lundi au vendredi à 13h30

TV: Les conquistadors de l'espaceDi: 20h55 Ma: 0h35

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