Logo

Histoire vivante

L’enfer des enfants sacrifiés aux dieux

Depuis une décennie, des centaines de corps ont été retrouvés au Pérou sur plusieurs sites de rituels

L’archéologue Gabriel Prieto ausculte une victime de sacrifice au côté de l’expert médico-légal John Verano, sur le site de Pampa la Cruz.

 Pascal Fleury

Pascal Fleury

19 janvier 2023 à 18:46

Archéologie » Au creux de l’été 2019, les médias en mal d’actualité répercutaient une très lointaine information péruvienne. Elle annonçait la découverte du «plus grand site de sacrifice rituel d’enfants connu dans le Nouveau Monde», près de la ville de Trujillo, au nord du Pérou. Les fouilles, effectuées sur le site de Pampa la Cruz, dans la cité balnéaire de Huanchaco, avaient permis de mettre au jour 227 squelettes de garçons et de filles du peuple Chimú, immolés la plupart par arrachement du cœur.

Drapées dans des linceuls, les victimes de 4 à 14 ans étaient inhumées le visage tourné vers l’océan. Certaines avaient encore de la peau, des cheveux, des bijoux en argent. Selon l’archéologue Feren Castillo, de l’Université de Trujillo, cité par l’AFP, ces enfants avaient été sacrifiés il y a plus de 500 ans probablement pour apaiser les dieux, alors que la région subissait des pluies abondantes liées peut-être au phénomène climatique El Niño.

Les corps ont été retrouvés non loin de l’ancienne capitale Chan Chan du royaume de Chimor, qui a perduré pendant cinq siècles sur la côte nord du Pérou avant d’être renversé vers 1470 par l’empire inca, une soixantaine d’années avant l’arrivée des conquistadors. A noter que l’entrée des palais était gardée par des statues de bois qui ont inspiré à Hergé le fétiche de l’album L’oreille cassée.

Sacrifice de masse

Ce rituel collectif mis en lumière par les médias n’était cependant pas le premier à être découvert au Pérou. Dès 2011, une autre campagne de fouilles, menée par l’archéologue Gabriel Prieto sur le site de Huanchaquito-Las Llamas, près de Trujillo, avait surpris la communauté scientifique par le nombre de corps exhumés: plus de 140 enfants chimús et plus de 200 lamas ou alpagas immolés.

Le caractère exceptionnel de cette première découverte a été souligné à plusieurs reprises par le magazine National Geographic. La campagne a aussi été classée dans le «top ten» des plus grandes découvertes de la dernière décennie par la revue Archaeology magazine. Il faut dire que jusqu’alors, très peu de sacrifices de masse avaient été authentifiés dans les Andes préhispaniques, à la différence de la Mésoamérique, où les Aztèques se sont particulièrement distingués (lire ci-contre). La culture Moche (ou Mochica), qui a précédé la culture Chimú du IIe au VIIIe siècle sur la côte nord péruvienne, était toutefois aussi coutumière des sacrifices humains, si l’on en croit leurs abondantes représentations iconographiques et diverses données archéologiques3.

Nombreuses énigmes

Le site de rituel sacrificiel découvert par Gabriel Prieto a soulevé bien des mystères, comme le raconte le passionnant documentaire Pérou, sacrifices au royaume de Chimor, de Jérôme Scemla, à voir ce dimanche sur RTS 2. Pour tenter de percer ces énigmes, l’archéologue péruvien s’est entouré de toute une équipe de spécialistes, dont l’anthropobiologiste et expert médico-légal John Verano, de l’Université de Tulane en Louisiane, et l’archéologue français Nicolas Goepfert, chercheur au CNRS et spécialiste des camélidés.

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus

Hiver 1954. La femme sans qui l’œuvre de l'abbé Pierre n’aurait jamais existé

Il y a 70 ans, le 1er février 1954, l’abbé Pierre lançait son vibrant appel radiodiffusé en faveur des sans-abri qui mouraient de froid en France. Son «insurrection de la bonté» n’aurait pas été possible sans le soutien extraordinaire d’une femme, Lucie Coutaz. Cofondatrice et directrice administrative du mouvement Emmaüs, elle a été son alter ego durant 40 ans. Portrait.