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Histoire vivante

Lee Harvey Oswald, la clé du mystère de l'assassinat de Kennedy

Le profil du coupable désigné de l’assassinat de John F. Kennedy en dit long sur un possible complot


 Pascal Fleury

Pascal Fleury

3 juin 2022 à 04:01

Enigme » Qui a tué John Fitzgerald Kennedy? Se poser ainsi la question de l’assassinat du 35e président des Etats-Unis, le 22 novembre 1963 sur Dealey Plaza à Dallas, alors que JFK traverse la ville en cortège à bord d’une Lincoln décapotée, c’est assurément s’engager dans une impasse. Tant les silences, mensonges, destructions de preuves et disparitions de témoins ont entravé l’enquête.

Près de 60 ans après le drame qui a secoué le monde entier, 15 000 documents restent au secret, dans une bibliothèque sécurisée gérée par les Archives nationales, dans la banlieue de Washington. La plupart émanent de la CIA et du FBI. Les 1491 documents déclassifiés en décembre dernier n’ont pas apporté de révélations importantes. Selon l’ancien journaliste du New York Times Philip Shenon, spécialiste du sujet¹, les dossiers qui devraient être publiés en décembre prochain, comme l’a promis le président Joe Biden, ne devraient pas non plus faire l’effet d’une bombe. La loi permettant leur publication, édictée en 1992 après la sortie du film JFK d’Oliver Stone, prévoit en effet que les documents relevant de la sécurité nationale puissent rester classifiés.

Dès lors, pour tenter d’y voir plus clair dans ce dossier opaque qui a alimenté d’innombrables théories du complot, il importe de se poser les bonnes questions: qui est Lee Harvey Oswald et à qui profite le crime? Dans ses conclusions, publiées en septembre 1964, la commission Warren créée par le président Lyndon Johnson a conclu que l’ancien Marine promarxiste avait agi seul, tuant le président Kennedy et blessant le gouverneur du Texas John Connally, assis à l’avant de la limousine.

«Je suis un pigeon»

Oswald était bien connu des services secrets, en particulier depuis son séjour comme transfuge en URSS, entre 1959 et 1962. Etant employé du Texas School Book Depository, le dépôt de livres d’où sont partis les coups de feu, il apparaît comme le coupable tout désigné. Né à La Nouvelle-Orléans en Louisiane en 1939, il avait connu une enfance difficile, sous le joug d’une mère protectrice et dominatrice. Taciturne et solitaire, parfois violent, il présentait des troubles de la personnalité. Elève dyslexique, souvent absent, il commence à s’intéresser au marxisme dès l’âge de 15 ans. Deux ans plus tard, il entre dans le corps des Marines et est assigné à la base aérienne d’Atsugi, près de Tokyo au Japon. Bon soldat, ses résultats aux tests de tir sont satisfaisants.

En 1959, il tente l’aventure soviétique, s’engageant dans une usine de Minsk. Il rencontre sa future femme Marina, mais se fatigue vite de la bureaucratie soviétique qu’il finit par voir comme une «perversion du socialisme». De retour aux Etats-Unis, ses espoirs se reportent sur Cuba. Il distribue des tracts procastristes à La Nouvelle-Orléans. Arrêté à Dallas, 1 h 30 après l’assassinat de Kennedy, il prétend n’être qu’un «pigeon». On n’en saura pas plus: il est tué à bout portant deux jours plus tard par Jack Ruby, un patron de boîte de nuit proche de la mafia, juste avant son transfert par la police.

L’assassinat du prévenu Oswald inspire aussitôt des soupçons de complot. D’autant plus que la commission Warren élude certains points troublants, comme la question de la «balle magique», qui aurait touché le président dans le dos, puis le gouverneur Connally, aurait traversé son poignet droit et sa cuisse avant d’être retrouvée sur son brancard, à l’hôpital, quasiment intacte. La faute en revient à Earl Warren lui-même, note Philip Shenon: «Parmi ses erreurs colossales, il y a son refus de permettre à la commission d’examiner les photographies et les radiographies prises lors de l’autopsie.»

La CIA et le FBI sont aussi pointés du doigt, ayant soustrait des informations à la commission. «Il était beaucoup plus facile pour Edgar Hoover de faire porter le chapeau à un jeune déséquilibré sans passé violent que de reconnaître qu’un complot avait peut-être abouti sans que le FBI ait pu le déjouer», précise-t-il. En 1979, les conclusions du Comité restreint de la Chambre sur les assassinats (HSCA) ne font pas taire les partisans d’un complot. Elles reconnaissent la possibilité d’un quatrième tir pointant de face le président, en plus des trois tirs d’Oswald, n’excluent plus une conspiration, mais s’en tiennent pour le reste aux conclusions techniques de la commission Warren.

Depuis lors, plusieurs enquêtes indépendantes et la déclassification d’archives sur les activités d’Oswald permettent de mieux cerner l’énigme. Pour l’écrivain et Prix Pulitzer Norman Mailer, qui a retrouvé des amis du transfuge à Minsk dans les années 1990, Oswald rêvait d’être «célèbre»: «Il était psychologiquement capable de tuer Kennedy et a probablement agi seul.» Selon Mailer, en revanche, «il est difficile de croire qu’il aurait pu être choisi par d’autres pour être l’homme clé d’un complot. D’autres amateurs, peut-être. Mais pas des professionnels.»

La piste cubaine

Pour sa part, Philip Shenon a enquêté au Mexique, où Oswald s’est rendu avant l’attentat. Il n’exclut pas qu’un complot ait pu être ourdi, ou du moins encouragé, par des diplomates et espions cubains. Selon un rapport du diplomate américain Charles William Thomas, en place à Mexico à l’époque, il aurait été introduit dans ce nid d’espions par une jeune sympathisante de la révolution cubaine, Silvia Tirado de Duran. Le motif de l’assassinat aurait été la menace que représentait JFK pour la survie du régime de Castro. Le consul cubain aurait lâché, lors d’une soirée, que «la seule solution est de le tuer», en réaction à la tentative ratée de l’invasion de la baie des Cochons en 1961 puis à la crise des missiles de Cuba en 1962.

A l’Université d’Etat de Floride, Lance deHaven-Smith³ va jusqu’à émettre la thèse du crime d’Etat. Pour lui, au plus fort de la guerre froide, Kennedy était «dangereusement en décalage par rapport aux dirigeants de l’armée et des services de renseignements». S’il a été victime d’un crime d’Etat, c’est certainement en raison de son positionnement trop conciliant: il devenait «une menace existentielle pour les Etats-Unis». Dans ce cas de figure, le procastriste Lee Harvey Oswald était le bouc émissaire idéal…

¹Philip Shenon, Anatomie d’un assassinat, Ed. Presses de la Cité, 2013.

²Norman Mailer, Oswald, un mystère américain, Ed. Plon, 1995.

³Lance deHaven-Smith, Aux origines de la théorie du complot, Y. Michel, 2022.


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