Logo

Histoire vivante

Le long combat du treizième salaire

Largement répandue, mais non obligatoire, la gratification annuelle a été l’objet d’ardus conflits sociaux


 Pascal Fleury

Pascal Fleury

14 novembre 2019 à 13:39

Emploi » Aujourd’hui, neuf employés sur dix touchent un 13e salaire en Suisse. Cette rémunération fixe, prévue dans de nombreuses conventions collectives (CCT) ou contrats de travail, n’est toutefois ni inscrite dans la loi ni définitivement acquise. En période de crise, elle peut même être l’objet d’importantes tensions sociales. L’un des plus graves conflits autour du 13e salaire a eu lieu en 1976, lors de la grève des employés de l’entreprise neuchâteloise Dubied, rappelle le documentaire Au pays de la paix du travail, à voir ce dimanche sur RTS 2. Les explications du professeur émérite d’histoire économique Laurent Tissot.

Le 13e salaire semble tirer ses origines de gratifications données à Noël, au XIXe siècle…

Laurent Tissot: De fait, toutes les revendications émises par le mouvement ouvrier en faveur d’un partage plus équitable des richesses s’inscrivent dans un combat, que l’on parle de gratifications, 13e salaire, réduction du temps de travail ou droit aux vacances. A la Belle Epoque, la croissance est assez vive. Elle aiguise l’appétit des ouvriers. Même s’ils ne sont pas aussi unis qu’en Angleterre, ils obtiennent des avancées à force de luttes et de grèves, nombreuses en Suisse à la fin du XIXe siècle. La situation change en 1937, avec la signature de la paix du travail. Dès lors, la lutte est remplacée par la négociation. Par la discussion, les patrons espèrent éviter toute grève ou crise sociale. Pour les ouvriers, c’est la certitude d’obtenir une répartition des bénéfices.

Quand les employés et ouvriers obtiennent-ils le 13e salaire?

Au cours des Trente Glorieuses qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, la croissance économique est énorme. Les patrons se montrent alors plus attentifs aux revendications syndicales. Ils octroient par exemple un droit aux vacances. Durant quinze jours en été, La Chaux-de-Fonds se vide entièrement de ses habitants! Les entreprises prévoient aussi des participations aux bénéfices. La rémunération à la semaine, à la pièce ou à la tâche est peu à peu remplacée par des mensualités régulières. Le 13e salaire s’inscrit dans cette tendance. Financièrement, cette rémunération est facile à assumer, en cette période de haute conjoncture. Dans une entreprise d’excellence comme la fabrique de machines à tricoter Dubied, à Couvet (NE), le patron Pierre Dubied comprend vite l’intérêt qu’il a à être conciliant. C’est une façon de s’attacher une main-d’œuvre venant souvent de l’étranger, alors que la demande est vive dans les secteurs de la mécanique et de l’horlogerie. Plus tard, la fonction publique introduira le 13e salaire également pour retenir ou attirer un personnel qualifié courtisé par le secteur privé.

«Le 13e salaire servait surtout à payer les impôts»

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus

Hiver 1954. La femme sans qui l’œuvre de l'abbé Pierre n’aurait jamais existé

Il y a 70 ans, le 1er février 1954, l’abbé Pierre lançait son vibrant appel radiodiffusé en faveur des sans-abri qui mouraient de froid en France. Son «insurrection de la bonté» n’aurait pas été possible sans le soutien extraordinaire d’une femme, Lucie Coutaz. Cofondatrice et directrice administrative du mouvement Emmaüs, elle a été son alter ego durant 40 ans. Portrait.