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Histoire vivante

Le défi planétaire de l’eau potable

L’eau est au cœur des problèmes du changement climatique mais peut aussi faire partie des solutions


Pascal Fleury

Pascal Fleury

30 avril 2020 à 20:10

Temps de lecture : 1 min

Géopolitique » D’ici 30 ans, la moitié de la population mondiale sera confrontée à des pénuries d’eau en raison des changements climatiques. L’agriculture sera particulièrement exposée et le manque d’eau potable impactera la santé des populations. Ces prédictions alarmistes émanent du dernier Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau (WWDR 2020). Ses auteurs, issus d’une dizaine d’agences onusiennes, craignent que le stress hydrique n’entraîne un accroissement des inégalités sociales, des troubles sociaux, des migrations massives et des conflits.

«Quand la planète bleue se réchauffe, les effets des changements climatiques se font nécessairement sentir à travers les problèmes liés à l’eau», souligne Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, l’institution qui a coordonné l’étude. En avant-propos du rapport, elle reste toutefois optimiste: «Il faut mesurer tout le potentiel de l’eau: elle peut faire partie des solutions.» Explications.

 

Un état des lieux préoccupant

 

Pour comprendre les enjeux du problème, quelques rappels de géographie s’imposent. La surface de la Terre est couverte à 71% de mers et d’océans, mais la quasi-totalité de cette eau est salée. L’eau douce représente à peine 3% du volume total de l’eau de notre «planète bleue». Les deux tiers de ce précieux breuvage sont gelés dans les calottes polaires et les glaciers. Reste donc moins de 1% d’eau douce à notre disposition, réserves souterraines comprises. Or en un siècle, l’utilisation mondiale de l’eau a été multipliée par six, et les prélèvements continuent d’augmenter de 1% par an en raison de la croissance démographique, du développement économique et de l’évolution de la consommation.

 

Conflits d’intérêts autour de l’or bleu

 

L’eau douce est convoitée surtout par l’agriculture, qui consomme 70% de l’eau douce pour les cultures et l’élevage. Suit le secteur industriel (env. 20%), le solde étant destiné à l’usage domestique. Avec l’augmentation des besoins, les ponctions se font toujours plus gourmandes. Selon une étude de 2019, basée sur l’observation par satellite, 13 grands aquifères terrestres sur 37 subissent déjà «une perte de masse critique» liée en partie à la pression de l’homme. Des villes comme Mexico, Djakarta ou Shanghai s’enfoncent en raison du pompage excessif. L’eau douce devient une denrée rare dans certaines régions de Chine ou d’Australie en raison du captage agricole ou minier. Certains conflits d’intérêts ont déjà débouché sur des «guerres de l’eau», comme dans la vallée du Jourdain, dans les bassins du Nil, du Tigre et de l’Euphrate, en Espagne ou en Californie.

 

Le climat source de stress hydrique

 

Avec les changements climatiques, le stress hydrique empire. Les pénuries saisonnières d’eau s’étendent non seulement à de nouvelles régions du globe mais se prolongent parfois tout au long de l’année. Des diminutions de débit ont déjà été observées dans les fleuves d’Afrique de l’Ouest et du sud de l’Australie, dans le bassin méditerranéen et dans le nord-ouest des Etats-Unis. Elles touchent l’agriculture et l’industrie, mais aussi la production énergétique, la navigation, la pêche, la baignade et l’environnement. Des changements dans les précipitations et l’évaporation auront des conséquences sur la fréquence et la gravité des vagues de sécheresse. Le stress hydrique s’intensifiera particulièrement autour de la Méditerranée. La baisse des précipitations posera un défi pour l’irrigation, l’hydroélectricité et le maintien des écosystèmes. Les événements extrêmes liés à l’eau, exacerbés par les changements climatiques, vont augmenter les risques pour les infrastructures d’adduction d’eau, de stockage, d’assainissement et d’hygiène.

 

Impacts sur la santé humaine

 

Selon le rapport onusien, la qualité de l’eau se détériorera suite à la hausse de sa température et d’une plus faible capacité d’autoépuration des plans d’eau douce. D’autres risques s’y ajoutent: les concentrations de polluants et de pathogènes sont plus importantes lors des sécheresses tandis que des maladies comme la malaria, la fièvre de la vallée du Rift ou la leptospirose apparaissent plus souvent après des inondations. L’insuffisance sanitaire serait à l’origine de deux millions de décès évitables chaque année, selon l’OMS. Avec la crise climatique, les diarrhées et autres maladies liées à l’eau se multiplieront, poussant les plus défavorisés davantage dans la pauvreté.

Autre problème exacerbé par les changements climatiques, les migrations. Selon des chiffres du Rapport mondial sur les déplacements internes (GRID), publiés cette semaine, 4,5 millions de nouveaux déplacements ont été enregistrés en 2019, à la suite du cyclone Fani en Inde et au Bangladesh, des cyclones Idai et Kenneth au Mozambique et de l’ouragan Dorian aux Bahamas. Des inondations ont aussi provoqué deux millions de déplacements en Afrique.

 

L’eau porteuse de solutions

 

Que faire alors? De nombreuses techniques existent pour économiser l’eau. Mais selon Audrey Azoulay, on aurait tort de ne voir la question de l’eau que sous l’angle d’une insuffisance: «Au contraire, note-t-elle, une meilleure gestion de l’eau peut appuyer les efforts visant à atténuer les effets des changements climatiques et à s’y adapter.» Ainsi, la protection des zones humides ou l’agriculture de conservation peuvent contribuer à piéger le carbone et l’humidité dans la biomasse et les sols. L’amélioration du traitement des eaux usées peut d’autre part aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre et permettre la production de biogaz comme source d’énergie renouvelable, tout en préservant la santé des gens. Pour l’instant, plus de 80% de l’ensemble des eaux usées au monde sont libérées dans l’environnement sans avoir été traitées. Il y a du potentiel…

 

HISTOIRE VIVANTE

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