Logo

Histoire vivante

Journaliste, vocation à haut risque

Avec près de mille tués en dix ans, le bilan des médias est lourd. Les pays en paix ne sont pas épargnés


Pascal Fleury

Pascal Fleury

20 février 2020 à 16:23

Médias » En dix ans, près de mille journalistes ont été tués dans le monde, au plus grand mépris de la liberté de la presse et de la démocratie. La situation semble s’être un peu améliorée en 2019, avec tout de même 49 reporters tués dans l’exercice de leur fonction, selon l’ONG Reporters sans frontières (RSF). Mais la réalité reste très préoccupante sur le terrain, la majorité des assassinats ayant lieu désormais en zones de paix.

«Ce chiffre de 49 morts, historiquement bas, est trompeur. Car la baisse ne touche que les zones de conflit (20 cas), comme la Syrie, l’Irak ou le Yémen, alors que dans les pays en paix, le nombre de journalistes tués augmente (29 cas)», explique Catherine Monnet, rédactrice en chef adjointe des publications de l’ONG, à Paris. Le nombre de journalistes détenus à travers le monde est aussi en hausse. Fin 2019, 389 journalistes se trouvaient en prison pour avoir exercé leur métier d’information, soit 12% de plus que l’année précédente.

120: Le nombre de journalistes détenus en Chine

«Pour les journalistes, la frontière entre les pays en guerre et en paix est en train de disparaître», s’alarme le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. La violence en zone de paix s’observe surtout en Amérique latine, où la liberté de la presse connaît la plus grande dégradation au classement mondial. L’an dernier, 14 journalistes ont été tués alors que dix autres assassinats sont encore soumis à vérification. Le Mexique cumule les tristes records de crimes, mais aussi d’impunité pour les meurtriers. Dans l’Etat du Tabasco, la journaliste Norma Garabia Sarduza, qui dénonçait la corruption de la police, a été tuée alors même qu’elle réclamait la protection des autorités.

L’arbitraire des prisons

Que ce soit au Honduras, en Colombie, en Haïti, au Ghana ou au Pakistan, les journalistes d’investigation qui s’intéressent de trop près à la corruption, aux cartels, aux mafias ou aux groupes armés sont froidement abattus. En Egypte, en Turquie et en Arabie saoudite, ils sont livrés à l’arbitraire des prisons. «Après l’assassinat de Jamal Khashoggi, nous avons lancé une mission sans précédent pour tenter d’obtenir la libération de 30 journalistes saoudiens», relève Catherine Monnet. Le dossier est pendant. En Chine, le nombre de journalistes détenus a doublé en un an, pour passer à 120, dont des blogueurs, malgré la publication d’un Livre blanc dépeignant le pays en véritable démocratie. Les reporters ouïgours du Xinjiang sont les plus touchés.

« Des centaines de journalistes professionnels ou journalistes citoyens ont été arrêtés par le régime, mais leur trace se perd en détention »

RSF

Dans les pays en guerre, la diminution de cas mortels s’explique par l’évolution des conflits. «Lorsque le groupe Etat islamique s’est retrouvé acculé aux confins de la Syrie, les reporters étrangers ont pu travailler sans déplorer de victimes dans leurs rangs, ce qui n’avait pas été le cas l’année précédente, lors de la reprise de la vieille-ville de Mossoul en Irak», souligne Catherine Monnet. Le conflit n’en reste pas moins meurtrier pour les journalistes syriens. Dix d’entre eux ont été tués en 2019 contre un total de 133 pour 2012 et 2013.

Le nombre de journalistes otages est resté en revanche élevé en Syrie: au moins trente, dont 24 détenus par le groupe Etat islamique. Le nombre de prisonniers est tout aussi inquiétant: au moins 26 journalistes croupissent en prison, un chiffre qui serait bien «en deçà de la réalité». «Des centaines de journalistes professionnels ou journalistes citoyens ont été arrêtés par le régime, mais leur trace se perd en détention», note RSF dans son Rapport 2019. L’an dernier, après des mois de négociations avec d’autres partenaires, l’ONG a réussi à évacuer trente journalistes de la région de Deraa. Ils étaient en danger en raison de l’avancée des troupes de Bachar al-Assad.

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus

Hiver 1954. La femme sans qui l’œuvre de l'abbé Pierre n’aurait jamais existé

Il y a 70 ans, le 1er février 1954, l’abbé Pierre lançait son vibrant appel radiodiffusé en faveur des sans-abri qui mouraient de froid en France. Son «insurrection de la bonté» n’aurait pas été possible sans le soutien extraordinaire d’une femme, Lucie Coutaz. Cofondatrice et directrice administrative du mouvement Emmaüs, elle a été son alter ego durant 40 ans. Portrait.