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Histoire vivante

Elle avait vaincu l’Atlantique en solo

Pionnière de l’aviation, Amelia Earhart disparaît en juillet 1937 juste avant d’achever un tour du monde

Amelia Earhart sur le Lockheed 10-E Electra avec lequel elle tenta de faire un tour du monde qui lui fut fatal.

 Gilles Dhers

Gilles Dhers

19 novembre 2021 à 02:01

Histoire de l’aviation » «Aimeriez-vous être la première femme à traverser l’Atlantique en avion?» La question fut posée à Amelia Earhart en 1928. L’année précédente, Charles Lindbergh a été le premier à voler de New York à Paris. Un exploit qui a suscité un engouement planétaire autour de l’aviation.

Amelia Earhart a alors 31 ans. Et une réputation de battante forgée depuis son plus jeune âge, élevée par des parents qui dynamitent les conventions. Sa jeunesse témoigne de sa volonté d’émancipation. Elle s’engage comme infirmière militaire au Canada pendant la Première Guerre mondiale, à l’issue de laquelle cette passionnée de médecine entreprend des études à New York.

Un «sac de patates»

Sa vie bascule quand elle effectue son baptême de l’air en 1920: elle sera pilote! Elle est la seizième femme à obtenir son brevet aux Etats-Unis. Entre ses études d’infirmière puis son boulot d’assistante sociale, elle économise dollar par dollar pour s’offrir un premier avion, un biplan jaune qu’elle baptise logiquement Canary. A l’époque, l’aviation est un véritable sport, où les pilotes hommes et femmes s’arrachent les records, d’altitude, de vitesse, de temps de vol ou de distance. Le 22 octobre 1922, elle s’offre le record d’altitude pour une femme en s’élevant 4300 mètres au-dessus de la terre.

Elle est donc la candidate logique pour devenir la première femme à survoler l’Atlantique. Sauf qu’elle-même le reconnaîtra, lors de ce vol parti de Terre-Neuve le 17 juin 1928 pour s’achever vingt heures et quarante minutes plus tard au Pays de Galles, elle ne fut qu’un «sac de patates». L’hydravion Friendship est piloté par un homme, copiloté par un homme, Amelia se chargeant simplement de tenir le journal de bord. Pourtant, c’est bien elle qui pose en tenue de pilote dans The Chicago Tribune and the Daily News (le journal des Américains expatriés en France) du 20 juin. Amelia Earhart tirera néanmoins de ce voyage un best-seller: 20 Hours 40 Min.

Cette première traversée accomplie, Amelia Earhart se jure de la renouveler, mais cette fois en pilotant elle-même l’avion. Elle se lance en 1932, en solitaire qui plus est. Entre-temps, elle a épousé George P. Putnam, l’éditeur à l’origine de sa première traversée de l’Atlantique.

Cinq ans jour pour jour après la traversée de Lindbergh, Amelia décolle de Terre-Neuve. Mais une fuite d’essence et un début d’embrasement de son avion l’obligent à atterrir dans un champ irlandais près de Londonderry, alors qu’elle escomptait atteindre Le Bourget, où une foule d’admirateurs l’attendait, raconte le journal Le Populaire du 22 mai. Qui précise qu’«elle a accompli son vol en ligne droite parcourant 3318 km en seize heures (quinze en réalité, ndlr), ce qui constitue un record pour la traversée de l’Atlantique».

Elle en tire une gloire immense et un surnom, Miss Lindy, référence à Lindbergh, auquel, étrangement, elle ressemble. Comme Peter, elle a droit à une parade dans les rues de Washington. Elle est reçue à la Maison-Blanche, où elle fait une déclaration qui dessine sa personnalité: «Je crois qu’on accorde à ma traversée une valeur qu’elle n’a pas. Je m’estimerai heureuse si mon modeste exploit peut attirer l’attention sur le fait que les femmes, elles aussi, sont capables de piloter.»

Audacieuse et prudente

La nouvelle héroïne fait fructifier son exploit en écrivant un livre sur les aviatrices, donne des conférences. Elle devient une proche d’Eleanor Roosevelt, la première dame des Etats-Unis, crée une ligne de vêtements et de bagages, poursuit son combat pour ouvrir aux femmes les portes des avions.

Car sa passion pour le vol ne l’a pas désertée. L’aviatrice sillonne les Etats-Unis et effectue, en 1935, un vol en solo d’Hawaï à la Californie, soit plus de 3800 km, une distance supérieure à sa traversée de l’Atlantique. Audacieuse mais pas téméraire, elle avait pris certaines précautions: en cas de chute sur l’océan, ses réservoirs d’essence, par exemple, pouvaient être instantanément vidés et convertis en flotteurs. Miss Earhart était aussi vêtue d’un vêtement de caoutchouc pouvant se gonfler et qui l’eût maintenue à la surface de la mer.

Tour du monde, pari fou

Le pari suivant de l’aviatrice est autrement plus fou, plus audacieux, plus insensé. Inconscient? Elle veut effectuer le tour du monde. En survolant l’Equateur, soit en volant sur la distance la plus longue possible, contrairement à d’autres aviateurs qui ont emprunté des chemins plus courts.

Après un faux départ, Amelia décolle le 1er juin 1937 de Miami à bord de son Lockheed 10-E Electra construit pour l’occasion. L’équipage est réduit au minimum: Miss Lindy au pilotage, Fred Noonan à la navigation. Le binôme rallie l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Inde puis Lae, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Prochaine étape: l’île Howland, un confetti paumé au milieu du Pacifique à plus de 4000 km. Ils ne l’atteindront jamais…

Une erreur fatale?

Début juillet, l’aviatrice ne donne plus de nouvelles. «C’est vendredi à 19 h 12 qu’Amelia Earhart a donné pour la dernière fois sa position», écrit l’Echo de Paris le samedi 3 juillet. Elle se trouvait alors à 100 miles de l’île Howland et signalait qu’elle n’avait plus d’essence que pour une demi-heure environ de vol et que la visibilité était mauvaise.

Les garde-côtes estiment qu’il était impossible pour l’avion de tenir l’air après 23 h 30 et que l’appareil, étant entièrement métallique, ne pourrait flotter longtemps. En plein cœur du Pacifique, c’est la fin d’une aventure qui aura marqué en profondeur l’histoire de l’aviation au féminin.

© Libération

Radio: du lundi au vendredi à 13 h 30

TV: Louis Blériot, l’impossible traversée Di 20 h 55

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