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Scènes

Frida Kahlo, double de Martine Corbat

L’actrice romande invite l’artiste peintre mexicaine au festival Le Printemps des compagnies

Une scène sur la révolution mexicaine dans le spectacle musical Frida Kahlo, autoportrait d’une femme.

 Elisabeth Haas

Elisabeth Haas

29 mai 2019 à 04:01

Théâtre des Osses » Une trajectoire aussi anticonformiste, aussi douloureuse, aussi intense que celle de Frida Kahlo ne pouvait pas laisser Martine Corbat indifférente. «C’est une longue histoire d’amour avec elle, qui m’a habitée à plusieurs moments de ma vie», raconte la femme de théâtre, qui a grandi dans le Jura et a installé sa compagnie, L’hydre folle, à Genève. De l’enfance à ses études, en histoire de l’art puis en théâtre, Frida Kahlo et son œuvre n’ont cessé de l’accompagner. «En choisissant le théâtre, je me suis dit que s’il y avait une femme sur qui je voulais travailler, ce serait elle.»

C’est donc Frida Kahlo, autoportrait d’une femme que Martine Corbat tourne cette fin de semaine au Théâtre des Osses, à Givisiez. Son spectacle s’inscrit dans la programmation du festival Le Printemps des compagnies. Il s’est concrétisé au moment de la rencontre de Martine Corbat avec l’artiste plasticienne Yangalie Kohlbrenner, qui a réalisé la scénographie. Les deux femmes ont choisi une dizaine de tableaux, qui sont mis en espace dans le spectacle, tantôt «suggérés», tantôt «métamorphosés», mais identifiables par les connaisseurs de l’œuvre de Frida Kahlo.

Mais même les non-connaisseurs devraient être sensibles à la flamboyance des costumes, aux couleurs vives, qui renvoient à l’univers mexicain de l’artiste et à ses tableaux. Martine Corbat cite L’Hôpital Henry Ford, œuvre créée après une fausse couche, qui traduit sa souffrance de ne pouvoir enfanter: sur un lit est étendue une femme nue, les draps sont tachés de sang: «De son ventre sortent des rubans rouges, au bout un fœtus, les os d’un bassin, différents symboles de sa vie, dont on en a représenté certains. Je voulais travailler sur les tableaux.»

Une vie libre

Ce choix s’est imposé pour éviter de donner une forme chronologique au spectacle. Il permet au contraire de raconter la vie de Frida Kahlo sous la forme d’«une grande fresque». Ainsi la plasticienne sera sur scène aux côtés de Martine Corbat, Diego Todeschini et des musiciens Pierre Omer et Julien Israelian. «J’incarne Frida Kahlo, explique l’actrice. Je voulais que Yangalie Kohlbrenner soit comme un double, une amie imaginaire, une deuxième Frida.» Tout en construisant certains tableaux en direct, elle rendra ainsi tangible cette dualité que l’artiste a elle-même exprimée dans Les deux Frida. Elle s’est peinte une fois vêtue de blanc, une fois en costume traditionnel mexicain, précise Martine Corbat: «Frida Kahlo a beaucoup écrit sur ce double d’elle-même, comme s’il y avait une autre Frida en elle, guérie et en bonne santé. Pas détruite.»

C’est que la peintre a d’abord souffert de poliomyélite – une de ses jambes n’a pas grandi correctement – avant de subir de graves fractures, de la colonne vertébrale et du bassin notamment, lors d’un accident de bus. Elle a été opérée de très nombreuses fois, a dû rester clouée au lit de longs mois, a souvent dû peindre alitée. D’où l’étonnante proportion d’autoportraits dans son œuvre.

Mais outre ses douleurs physiques et psychiques, le spectacle témoignera aussi de la relation passionnée et compliquée avec son mari Diego Rivera – ils se sont mariés deux fois tout en étant ouvertement polygames –, des figures phares qu’elle a côtoyées dans le monde de l’art, Picasso, Max Ernst, l’auteur surréaliste André Breton (dont elle se moque volontiers), et de la politique (à commencer par Léon Trotski). C’est Diego Todeschini qui donnera vie sur scène à tous ces personnages masculins. Pas étonnant qu’avec une telle biographie, la vie libre qu’elle a menée dans les années 1930 – tout en étant corsetée dans un corps fragile –, sa force de caractère et son œuvre hors normes continuent d’inspirer les femmes.

Un spectacle musical

«J’ai beaucoup lu pour préparer ce spectacle, abonde Martine Corbat. Je me suis attachée à la biographie en français de Rauda Jamis (chez Actes Sud, ndlr), j’ai repris son écriture poétique, qui la fait parler à la première personne.» Les textes des chansons en revanche sont originaux et signés de la plume de la comédienne. Car Frida Kahlo, autoportrait d’une femme se présente aussi comme un spectacle musical. Les deux musiciens jouent en direct de plusieurs instruments différents. «La musique scénique est pour moi fondamentale», explique l’actrice, qui prépare justement un disque avec les chansons du spectacle.

Je 20 h 15, ve et sa 20 h 30 Givisiez

Théâtre des Osses.

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