Théâtre. Fairfly, pièce engagée et ludique

Nuithonie » Au cœur du dispositif circulaire de la pièce Fairfly, installé dans la petite salle de Nuithonie, est placée une simple table ronde autour de laquelle les quatre interprètes refont le monde. Le public est placé en deux rangées autour d’eux, il est même possible d’appuyer ses coudes comme lors d’une réunion, pour créer un effet de miroir avec les interprètes.

Cette scénographie est immersive: elle veut impliquer activement la spectatrice, le spectateur, sans exiger qu’elle ou il ne prenne directement part aux débats bien sûr. C’est une manière d’affirmer que les quatre protagonistes pourraient être chacun d’entre nous. Employés d’une entreprise fabriquant des petits pots pour bébé, touchés par une restructuration, ils rêvent de faire mieux, plus sain, plus social, plus éthique.

Le choix de cette pièce de l’auteur catalan Joan Yago Garcia répondait à la fois aux réflexions de Julien Schmutz sur la place et l’expérience du public dans le spectacle vivant et aux préoccupations écologiques actuelles. Il est question principalement des contradictions du système économique basé sur le libéralisme, destructeur de ressources naturelles et broyeur d’humanité. L’utopie a-t-elle une chance dans ce système? Les associés qui lancent leur start-up resteront-ils soudés? Parviendront-ils à garder leurs idéaux, comme un phare, dans la durée? Ou finiront-ils, une fois le succès grandissant, face aux défis logistiques, par se couler dans le moule jusqu’à s’acoquiner eux-mêmes avec les géants de l’industrie agroalimentaire, voire jusqu’à se faire racheter? Il faudra voir Fairfly pour mesurer la distance du projet initial avec la réalité…

Huis clos

La pièce a été créée en 2017 à Barcelone. Elle a été traduite une première fois pour être jouée à Montréal en 2021. Julien Schmutz l’adapte au contexte helvétique, ses PME familiales et ses mastodontes que sont les grands distributeurs et les multinationales. Les questions qu’elle pose sont vertigineuses: elles touchent nos vies de très près, tout en relevant d’un fonctionnement qui nous dépasse.

En réfléchissant à produire des pots pour bébé «écoresponsables», le quatuor formé par Selvi Pürro, Barbara Tobola, Michel Lavoie et Jonas Marmy fait par extension réfléchir au contenu de nos assiettes. «Manger pose beaucoup de questions aujourd’hui», insiste Julien Schmutz. Quelle place notamment a pris l’industrie agroalimentaire et la grande distribution dans nos choix? Ou plutôt quels choix avons-nous encore? Est-ce que mettre un produit de plus sur le marché est vraiment écoresponsable?