Les remakes. «Scarface» et ses figures mythiques du cinéma
Archétype de l’ascension du gangster, le Tony Montana de Scarface est une figure mythique, incarnée par Al Pacino dans son plus beau rôle
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Olivier Wyser
8 juillet 2022 à 16:27
Les remakes (1/7) » Les scénaristes n’ont aucune imagination et nous balancent toujours la même soupe! Tout l’été, La Liberté démontre le contraire avec des remakes qui ont marqué l’histoire du cinéma.
Les remakes, c’est de la merde! Vraiment? Absolument. Pour qui aurait déjà subi Les Visiteurs en Amérique ou le Charlie et la chocolaterie de Tim Burton, il n’y a même pas débat. Quel est donc le plaisir de se faire refourguer de la tambouille réchauffée? Eh bien, si c’est Anne-Sophie Pic aux fourneaux, pourquoi pas… Et en 1983, le cuisinier de l’année version grand écran s’appelait Brian De Palma, secondé au scénario par son commis de luxe Oliver Stone. Leur plat signature: Scarface. Un remake, eh oui.
En 1932, Howard Hawks narrait déjà l’ascension de Tony Camonte dans la pègre: L’histoire d’un immigré italien gravissant l’échelle alimentaire des bas-fonds dans le Chicago de la prohibition jusqu’à devenir un apex prédateur. Un chef-d’œuvre absolu, le sixième meilleur film de gangsters jamais tourné selon l’American Film Institute. Cinquante ans plus tard, un jeune Oliver Stone tout récemment oscarisé pour son écriture du scénario de Midnight Express, ressort Scarface des cartons. Et là, coup de génie, il reprend la trame de l’original mais en la recontextualisant. Bienvenue à Tony Montana, immigré cubain débarquant à Miami les poches vides lors de l’exode de Mariel. Un célèbre épisode de la guerre froide durant lequel Fidel Castro expulse par bateau 125’000 contre-révolutionnaires.
Bien plus qu’un simple film de gangsters, Scarface a tout du mythe antique rythmé par le chœur disco de Giorgio Moroder. Une tragédie aux proportions shakespeariennes, le nez poudré à la cocaïne, qui reste encore aujourd’hui le film préféré des rappeurs et des dealers. Machisme latin façon gourmette en or, torse velu drapé dans une chemise hawaïenne, gros calibre dissimulé dans la boîte à gants d’une Porsche 928 aux vitres pare-balles… Al Pacino incarne à merveille ce moins que rien qui en a marre de faire la plonge alors que ses mains sont faites pour toucher de l’or. Avec audace et culot, il part à l’assaut du rêve américain. Un sommet qu’il atteindra en laissant pas mal de cadavres derrière lui et dont il chutera, bien évidemment.
Style et suspense
Mais si la mystique de Scarface suffit à marquer les esprits fascinés par l’univers du crime et de la drogue, c’est bien la réalisation magistrale de Brian De Palma qui en fait un film inoubliable. En pleine possession de ses moyens, le cinéaste imprime son style. Maître d’un suspense hitchcockien, il livre quelques morceaux de bravoure… De ceux qu’on analyse dans les écoles de cinéma. Qui n’a pas été traumatisé par la scène de la douche où Tony Montana est sacrément mal barré avec des trafiquants colombiens maniant la tronçonneuse? Qui n’a pas tremblé pour Al Pacino, avachi sur une banquette de discothèque alors que des hommes de main patibulaires fomentent son exécution? Et que dire de ces images à la photographie sublime, de ces lents et élégants mouvements de caméra, de ces cadres précis chargés de symboles…
La technique, c’est bien, mais ce sont les comédiens qui font vibrer les foules. Et côté casting, Scarface c’est aussi de la bonne came. On l’a dit, Al Pacino est indissociable du rôle de Tony Montana. Un homme d’une dangereuse nervosité, mégalomane, mais aussi capable de traits d’humour. Michelle Pfeiffer est une Elvira attendrissante, perdue dans un nuage de coke tandis que Robert Loggia est parfait en gros bonnet parvenu et bouffi d’orgueil. Sans oublier une galerie de sbires et de gueules cassées inoubliables comme F. Murray Abraham (Salieri dans Amadeus), le traître Omar qui finira pendu sous un hélicoptère.
Malgré sa réputation sulfureuse de film ultraviolent – la séquence finale est absolument délirante – Scarface est bien plus qu’un film-choc. Comme son modèle de 1932, ce remake est destiné à rester gravé dans l’Histoire. Comme quoi, dans de bonnes mains, les vieilles casseroles peuvent encore faire des miracles.
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