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Les remakes

Le samouraï du ghetto

Relecture fascinante du Samouraï de Jean-Pierre Melville, Ghost Dog saisit l’air de la fin du millénaire, porté par une bande-son mélancolique

Forrest Whitaker est Ghost Dog, tueur fantôme suivant les préceptes des samouraïs.

 Olivier Wyser

Olivier Wyser

5 août 2022 à 20:20

Temps de lecture : 1 min

Les remakes (5/7) » Les scénaristes n’ont aucune imagination et nous balancent toujours la même soupe! Tout l’été, La Liberté démontre le contraire avec des remakes qui ont marqué l’Histoire du cinéma.

«Il y a quelque chose à apprendre d’une tempête de pluie. Lorsqu’on rencontre une averse soudaine, on essaie de ne pas se mouiller et de courir rapidement sur la route. Mais en passant par exemple sous l’avant-toit des maisons, vous vous mouillez quand même. Si vous êtes résolu dès le début, vous ne serez pas perplexe, bien que vous soyez toujours aussi trempé. Cette compréhension s’étend à tout.» Voir Ghost Dog de Jim Jarmusch, c’est apprendre des choses philosophiques et essentielles que vous garderez à l’esprit tout au long de votre vie. Ça, et aussi apprendre à exécuter des types sans un bruit et sans se faire pincer.

Suivant les préceptes du Hagakure, le guide pratique des samouraïs du Japon médiéval, notre chien fantôme interprété par Forrest Whitaker hante les rues crades des quartiers pauvres de l’agglomération new-yorkaise, katana à la ceinture et Astra 9 mm dans le holster. Imperturbable, taciturne, ce n’est pas un hasard s’il rappelle l’énigmatique Alain Delon dans Le Samouraï de Jean-Pierre Melville. Le réalisateur français signait en 1967 un film au minimalisme radical qui allait avoir une influence majeure sur ses successeurs spirituels. En 1989, la figure de proue du cinéma d’action hong-kongais John Woo s’inspirait largement du personnage de Jeff pour composer son tueur à gages dans The Killer. Méthodique, détaché, presque muet, Chow Yun-Fat – surnommé le Alain Delon de la baie de Guangdong – rendait hommage au monstre sacré hexagonal.

Dix ans plus tard, en 1999, Jim Jarmusch allait encore plus loin en proposant avec Ghost Dog un remake à peine dissimulé du Samouraï, se payant le luxe d’être en plus une relecture fascinante des motifs inoubliables du film de Melville. Le réalisateur américain l’a bien compris, le vernis japonisant du Samouraï est un attrape-nigaud, un prétexte pour rajouter une aura de coolitude à un personnage de tueur implacable qui ne manque déjà pas de charisme. Et quoi de plus logique que de s’associer à ceux qui, trente ans plus tard, exploitent les même ficelles? A savoir les rappeurs surdoués du Wu-Tang Clan.

Soul et kung-fu

Recontextualiser l’histoire en exploitant le potentiel cinématographique des HLM de briques rouges de la côte Est est une grande idée. Jarmusch tourne à Jersey City – banlieue délaissée située en face de Manhattan – mais ne nomme jamais l’endroit. S’il pose visuellement son ambiance à l’aide de couleurs sourdes et d’ambiances crépusculaires, c’est bien par la musique qu’il crée un impact. En toute logique, le cinéaste enrôle le producteur du Wu-Tang, RZA, pour habiller son film. Un authentique coup de génie.

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