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Festival international du film de Fribourg 2023

Le rêve au lieu des bombes

Soudade Kaadan offre avec Nezouh un regard différent sur la guerre en Syrie

Ancienne Gare; Interview de la réalisatrice Soudade Kaanan, qui a fait le film "Nezouh" en compétition. Photo Lib / Charly Rappo, Fribourg, 23.03.2023Charly Rappo/Charly Rappo / La Liberté

 Olivier Wyser

Olivier Wyser

23 mars 2023 à 19:07

Temps de lecture : 1 min

Festival du film » La réalisatrice syrienne Soudade Kaadan joue pour ainsi dire quasiment à domicile. Elle est une habituée du Festival international du film de Fribourg (FIFF) puisqu’elle vient sur les berges de la Sarine pour la quatrième fois. Elle y a notamment déjà présenté son documentaire Obscure, en 2017, le portrait d’un enfant syrien traumatisé par la guerre, ainsi que son premier long-métrage de fiction The Day I Lost My Shadow, en 2019, un road trip en suspension à la recherche d’un carburant introuvable dans une Syrie ravagée par la guerre. La cinéaste qui vit désormais à Londres revient cette année avec sa nouvelle fiction Nezouh, un film attachant qui parle à nouveau de la guerre en Syrie, mais à travers le regard d’une adolescente qui se surprend à rêver. Un trou d’obus dans la toiture de la maison familiale sert de passage entre une réalité indicible et un monde onirique.

Le mot nezouh pourrait se traduire par «déplacement» et fait référence à cette famille traditionnelle qui refuse de quitter son quartier ravagé par les bombardements. Ou alors peut-être au déplacement de la réalité vers l’onirisme que la jeune Zeina expérimente… Soudade Kaadan, qui elle-même a quitté Damas après les premiers bombardements, est à Fribourg pour présenter son film et évoquer ses enjeux: le drame des personnes déplacées et la condition des femmes dans un pays en guerre aux réflexes patriarcaux bien ancrés. Mais si Nezouh témoigne d’une situation désespérée, le film est aussi porteur d’espoir pour une nouvelle génération. Rencontre.

C’est une photographie qui vous a donné l’idée de réaliser Nezouh. Expliquez-nous la genèse de votre film?

Soudade Kaadan: J’ai commencé à écrire Nezouh en 2013, au moment où j’ai quitté la Syrie pour le Liban. J’ai vu une photo d’un hôpital de Damas détruit par un obus. Il y avait littéralement un trou dans le toit, par lequel la lumière se frayait un passage. J’ai senti que c’était le symbole de ce qui arrivait en Syrie et le film est né de ce moment.

Votre héroïne, Zeina, a quatorze ans. Quelle part de vous-même avez-vous mise dans ce personnage?

J’aime mélanger la fiction et l’autobiographie. Il y a un peu de moi dans Zeina, même si j’avais trente ans au moment où j’ai quitté la Syrie… Mais en choisissant une héroïne adolescente, je voulais surtout symboliser les aspirations de la nouvelle génération. Quatorze ans, c’est l’âge où on change. C’est ce moment critique où tout devient différent pour une fille, cet instant où la société la regarde d’une autre manière.

Diriez-vous que Nezouh est un film féministe?

Je n’aime pas trop l’étiquette… Je ne fais pas des films explicitement féministes, même si j’ai un point de vue féminin. Je ne voulais surtout pas mettre en scène des personnages stéréotypés. Même le père de famille qui est traditionaliste et qui représente forcément la société patriarcale change d’avis en cours de route. Ce numéro de macho, c’est aussi un rôle que la société lui impose à quelque part. Je rejette une vision en noir et blanc avec des femmes opprimées d’un côté et des hommes insensibles de l’autre. C’est trop réducteur et cela ne correspond pas à la réalité.

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