Cinéma. "Anora" triomphe aux Oscars, deux statuettes pour "Emilia Pérez"
La tragicomédie "Anora" de Sean Baker a remporté l'Oscar du meilleur film dimanche, une consécration en forme d'apothéose pour ce long-métrage déjà récompensé par la Palme d'Or à Cannes en mai dernier, et qui remporte au total cinq Oscars.
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ATS et AFP
Aujourd’hui à 04:55, mis à jour à 06:54
"Ce film a été réalisé grâce au sang, à la sueur et aux larmes d'artistes indépendants incroyables", a lancé Sean Baker, le réalisateur d'"Anora", en remerciant l'Académie d'honorer "un film véritablement indépendant", produit avec seulement six millions de dollars.
Après sa Palme d'or à Cannes, son Cendrillon moderne rafle non seulement la récompense suprême, mais aussi les prix de la meilleure actrice pour Mikey Madison, du meilleur scénario, du meilleur montage, et du meilleur réalisateur pour M. Baker, figure du cinéma d'auteur américain.
Ce film où une strip-teaseuse new-yorkaise se marie au rejeton d'un oligarque russe, avant d'affronter le mépris de classe de sa belle-famille ultra-riche, ponctue sa filmographie largement dédiée aux marginaux de l'Amérique et aux travailleuses du sexe. Révélation du film, Mikey Madison a tenu à leur "rendre hommage" en acceptant son Oscar, à seulement 25 ans.
Au contraire d'"Anora", "Emilia Pérez" n'a pas pu reproduire l'enthousiasme généré à Cannes, où il avait notamment reçu le prix du jury.
L'odyssée musicale de Jacques Audiard sur la transition de genre d'un narcotrafiquant mexicain été largement boudée, après le scandale suscité par les anciens tweets racistes et islamophobes de son actrice principale, Karla Sofía Gascón.
Malgré 13 nominations, un record pour une production non anglophone, ce film tourné principalement en espagnol a reçu seulement deux Oscars : celui du meilleur second rôle féminin pour Zoe Saldana et de la meilleure chanson, pour "El Mal", titre phare où son personnage d'avocate se révolte contre la corruption de la société mexicaine.
La statuette du meilleur film international lui a échappé au profit du drame brésilien "Je suis toujours là", sur la résistance d'une mère courage contre l'ex-dictature brésilienne.
"Je veux que ça cesse. Je veux partir sur autre chose", confiait à l'AFP Jacques Audiard juste avant la cérémonie, lassé par les polémiques - une partie du public mexicain l'a aussi accusé d'appropriation culturelle.
Deuxième sacre pour Adrien Brody
Adrien Brody a été l'autre sensation de la soirée: le comédien a remporté l'Oscar du meilleur acteur pour "The Brutalist", où il incarne un architecte survivant de l'Holocauste qui émigre aux Etats-Unis.
Il rejoint ainsi Marlon Brando et Jack Nicholson dans le club prestigieux des doubles vainqueurs de cette statuette, 22 ans après avoir remporté été récompensé pour "Le Pianiste", où il jouait déjà un artiste confronté à la Shoah.
L'acteur de 51 ans en a profité pour livrer un plaidoyer politique, dans une référence à peine voilée à la nouvelle présidence de Donald Trump.
"Si le passé peut nous enseigner quelque chose, c'est de nous rappeler de ne pas laisser la haine s'exprimer sans contrôle", a-t-il insisté, en appelant de ses voeux "un monde plus sain, plus heureux et plus inclusif".
De son côté, Zoe Saldana s'est dite "fière d'être l'enfant de parents immigrés qui ont des rêves, de la dignité et des mains qui travaillent dur".
Ces deux discours ont compté parmi les rares allusions politiques de la soirée, lors d'une cérémonie bien moins virulente qu'en 2017 après la première élection de Donald Trump.
Contrairement à Jimmy Kimmel à l'époque, l'humoriste Conan O'Brien a largement évité le sujet, illustrant le malaise d'Hollywood face au milliardaire républicain, élu cette fois avec le vote populaire des Américains.
La cérémonie est restée consensuelle, avec un spectacle assuré par les stars de la comédie musicale "Wicked", Ariana Grande et Cynthia Erivo, et un hommage aux pompiers de Los Angeles, ravagée par des incendies meurtriers en janvier.
Le conflit israélo-palestinien s'est toutefois invité au programme, lorsque le film coup de poing sur la colonisation israélienne en Cisjordanie, "No Other Land" a remporté l'Oscar du meilleur documentaire.
Le reste du palmarès a couronné Kieran Culkin, meilleur second rôle masculin pour son personnage de trentenaire juif à fleur de peau, à la fois charismatique et insupportable, dans "A Real Pain".
La production lettone "Flow" a remporté l'Oscar du meilleur film d'animation, grâce aux aventures bouleversantes d'un chat à la dérive, confronté à l'engloutissement de sa planète par la montée des eaux.
Grand concurrent d'"Anora", le thriller papal "Conclave", du réalisateur austro-suisse Edward Berger, et son intrigue sur l'élection les arcanes mouvementées de l'élection d'un nouveau pape au Vatican, n'est finalement reparti qu'avec un seul Oscar, celui du meilleur scénario adapté.
"The Substance", de la Française Coralie Fargeat, a remporté l'Oscar du meilleur maquillage et coiffure, pour la transformation physique impressionnante de Demi Moore en créature accro à un sérum de jouvence aux effets dévastateurs.