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Histoire vivante

Chypre au cœur des conflits gaziers

Les énormes gisements de gaz méditerranéens attisent les convoitises. La Turquie fait monter la pression


 Pascal Fleury

Pascal Fleury

19 novembre 2020 à 19:36

Temps de lecture : 1 min

Géopolitique » Le bassin gazier de la Méditerranée orientale, découvert au cours de ces vingt dernières années, fait déjà le bonheur de l’Egypte et d’Israël. Mais ce nouvel eldorado attise aussi les convoitises des Etats riverains, exacerbant les tensions entre voisins ennemis au point d’inquiéter les compagnies de forage et les investisseurs. Chypre, qui rêve de devenir un acteur énergétique majeur pour la région, doit défendre ses eaux territoriales face aux ambitions de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Les explications de l’historienne et géographe Joëlle Dalègre, maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales, à Paris.

Depuis l’an 2000, les découvertes de gisements gaziers se multiplient dans l’est de la Méditerranée. Les ressources sont énormes. Peut-on les quantifier?

Joëlle Dalègre: En 2010, l’US Geological Survey estimait déjà que le potentiel du bassin du Levant pouvait en faire un des plus importants bassins gaziers du monde, après la Russie, l’Iran et le Qatar. Ces prévisions optimistes ont stimulé la recherche et, effectivement, de gros gisements ont été trouvés depuis lors. Israël, qui connaissait autrefois un grand stress énergétique, est ravi: le pays exploite plusieurs gisements, dont Tamar, relié à la côte par gazoduc. Israël a construit un pipeline vers la Jordanie, opérationnel depuis le début de l’année malgré le mécontentement de la population jordanienne. Il a aussi passé un accord d’exportation avec l’Egypte, pouvant compter sur les énormes réserves de son champ gazier Leviathan. Depuis l’an dernier, le bassin record Zohr, trouvé dans les eaux égyptiennes en 2015, est également relié par gazoduc sous-marin à Damiette, en Egypte, au plus grand bonheur de ce pays qui a d’énormes besoins énergétiques.

Chypre se trouve bien situé dans cet eldorado d’hydrocarbures. Le gouvernement rêve de faire de l’île une plate-forme régionale. Quels sont ses projets?

Les eaux chypriotes comptent déjà trois gisements, Aphrodite, Calypso et Glaucus, qui ne sont pas encore exploités mais attribués à des sociétés gazières. Chypre espère devenir un «hub» pour la région, un rêve que caressent d’ailleurs aussi la Grèce et la Turquie. Pour y parvenir, Nicosie a lancé l’idée d’une station de fabrication de gaz naturel liquéfié (GNL), à construire dans le port industriel de Vasilikos, où elle importe déjà son pétrole. Des travaux préliminaires ont été effectués. Cette solution serait plus sûre et moins chère que l’installation d’un long gazoduc jusqu’en Europe. En attendant, il est prévu que le gaz chypriote d’Aphrodite comme celui du champ israélien Leviathan soient acheminés par pipeline jusqu’à Damiette et Idku en Egypte, où se trouvent déjà des usines de production de GNL. Un accord tripartite a été signé en ce sens en 2018. Le projet d’usine à Chypre pourrait être le bienvenu en raison des énormes volumes de gaz à traiter, mais aussi comme solution alternative en cas de changement politique en Egypte. Si les islamistes revenaient au pouvoir, ils seraient sûrement réticents à traiter du gaz israélien pour l’envoyer en Europe occidentale. Les sociétés pétrolières sont prêtes à investir massivement, mais à la condition qu’il n’y ait pas de révolution ces trois prochaines décennies.

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