Le CHUV au bord de la saturation
Les soins intensifs frisent l’engorgement avec déjà un tiers de patients Covid. Lesquels sont plus jeunes, non vaccinés et tous intubés. Reportage dans l’ombre des soignants
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Thierry Jacolet
28 août 2021 à 00:55
Variant delta » Le quinquagénaire gît sur le lit, inconscient. Sa vie ne tient qu’à quelques fils et des tubes. Ceux qui le relient aux instruments et machines qui fonctionnent en permanence autour de lui. Une infirmière en surblouse bleue avance masquée et gantée dans la pièce vitrée. Des protections indispensables au contact des malades gravement affectés par le variant delta. Elle jette un œil sur le moniteur qui surplombe le lit pour suivre l’évolution de l’état du patient en insuffisance respiratoire. «Il est stable», lâche-t-elle à sa collègue.
Le personnel soignant est sur le qui-vive ce jeudi matin dans l’unité de soins intensifs du CHUV, à Lausanne, dédiée aux patients Covid. Aucun signe d’effervescence toutefois à l’intérieur de cette longue pièce qui aligne quatorze boxes vitrés pour autant de lits. Tout est sous contrôle, même la fièvre susceptible de monter au moindre bruit ou chiffre suspect. «Il y a pourtant des moments de stress, quand par exemple survient une décompensation respiratoire qui peut déstabiliser le patient», glisse une soignante.
«Là, c’est le stade ultime»
Une trentaine de professionnels (médecins, infirmières, chef infirmier, aides-soignantes, psychothérapeutes…) se croisent, discutent et enchaînent les gestes avec un calme qui tranche avec l’urgence de la situation. Les onze patients Covid, un par box, sont tous intubés depuis plusieurs jours. «Le dernier malade est arrivé hier et je crains qu’une autre personne ne passe pas la journée», confie Cécilia Campagna, l’infirmière qui gère les flux. «Comme ses poumons ne fonctionnent plus, nous lui avons installé en remplacement une membrane extracorporelle (ECMO).»
80%
La saturation en oxygène à laquelle il faut vite intervenir
Cette technique de dernier recours sert à oxygéner le sang à l’extérieur du corps du patient dans le cas des formes les plus sévères du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). «Là, c’est le stade ultime, admet l’infirmière. Il aurait pu éviter de se retrouver dans cette situation s’il s’était fait vacciner. Certains de ces malades ont dit à leur arrivée à l’hôpital ne pas faire confiance au vaccin ou qu’ils ne pensaient pas être malades du Covid-19!»
C’est le point commun le plus frappant entre ces patients aux soins intensifs: tous sont non vaccinés, à l’exception d’une malade qui souffrait déjà d’un déficit immunitaire. Cette proportion reflète le très haut taux d’efficacité (entre 75 et 95% selon les études) des vaccins à ARNm contre les formes graves de la maladie. «C’est l’essentiel à retenir», insiste Jean-Daniel Chiche, chef de service de médecine intensive adulte. «Les rares individus qui s’infectent en étant vaccinés font surtout des formes bénignes. C’est le cas des patients vaccinés admis aux soins traditionnels au CHUV. Ils sont environ 20% et présentent des formes peu sévères. Et ils y restent peu de jours.»
Femme enceinte de 26 ans
Autre marqueur du nouveau profil des patients: ils sont plus jeunes. La moyenne dans l’unité est de 55 ans et une femme enceinte de 26 ans est la moins âgée. «Comme la proportion de vaccinés est bien plus importante chez les patients âgés que chez les jeunes, ces derniers sont surreprésentés aux soins intensifs», explique Jean-Daniel Chiche.
Depuis trois semaines, très peu de patients Covid ont pu quitter l’unité. Ils restaient 10 à 20 jours lors des précédentes vagues. «Cette fois, ils sont là pour plus longtemps, observe Cécilia Campagna. Et ceux que nous soignons sont plus gravement atteints que ceux des vagues précédentes.»
Couchés sur le ventre
Ces malades occupent presque la totalité de l’unité dédiée au Covid: trois lits sont encore libres. «La situation est préoccupante car nous arrivons bientôt à saturation», redoute Jean-Daniel Chiche. Onze patients Covid sur les 35 lits des soins intensifs: c’est plus que la moyenne en Suisse, de 27,2%. A la mi-juillet, c’était 3,8% au niveau national. La semaine du 16 août, 446 nouvelles hospitalisations en lien avec le SARS-CoV-2 ont été déclarées, contre 289 une semaine plus tôt.
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