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Suisse

L’UDC tape sur son clou préféré. l’immigration

Le premier parti de Suisse veut mettre le thème de l’immigration au cœur de la campagne en vue des élections fédérales de cet automne. Peut-il y arriver? Comment cela fonctionne-t-il? Notre analyse


 Philippe Castella

Philippe Castella

1 février 2023 à 02:01

Politique » C’est le clou sur lequel elle préfère taper. Alors pourquoi s’en priver? L’UDC a invité les médias hier à Berne pour parler de son thème de prédilection: l’immigration (lire ci-après). Elle avait déjà mis la compresse entre Noël et Nouvel-An sur cette question. Son objectif est clair: faire de ce sujet un thème majeur de la campagne en vue des élections de cet automne, dans l’espoir de gagner ainsi des sièges.

Le contexte est plutôt favorable pour elle: la guerre en Ukraine et la fin de la crise sanitaire liée au Covid ont provoqué un nouveau bond des flux de réfugiés. Et la passation de pouvoir à la tête du Département de justice et police, responsable de l’asile, entre Karin Keller-Sutter et Elisabeth Baume-Schneider favorise aussi ses desseins. Comme le PS est l’ennemi héréditaire de l’UDC, il est plus facile de taper sur la socialiste et sa politique de gauche que sur l’alliée libérale-radicale et sa réputation de rigueur. Peu importe si l’UDC a grandement contribué en décembre à l’élection au Conseil fédéral de la Jurassienne. On n’est jamais à un paradoxe près en politique.

Pas de pomme à viser

En misant sur l’asile et l’immigration, l’UDC revient à ses fondamentaux. «C’est un pari, mais après des tentatives pas toujours très réussies sur d’autres thèmes, elle a besoin de recentrer sa stratégie sur son sujet de prédilection, avec pour objectif de souder la base du parti», analyse Oscar Mazzoleni, politologue à l’Université de Lausanne. «Multiplier les thèses, ça dilue l’agenda politique et la capacité de mobilisation.» Il faut dire aussi que l’autre thème fétiche du parti, les relations à l’Union européenne, a été neutralisé. Dans le but justement de ne pas attiser la campagne électorale, les nouvelles négociations prévues entre Berne et Bruxelles autour d’un accord institutionnel ne devraient pas accoucher d’un résultat d’ici à l’automne. Faute de cible concrète, il sera difficile pour l’UDC de capitaliser beaucoup de voix sur ce thème. Il ne suffit pas de critiquer le bailli Gessler. Encore faut-il qu’il présente une pomme à viser à ce parti qui aime s’appuyer sur le mythe de Guillaume Tell.

Thème «embarrassant»

L’UDC ne va cependant pas tout miser sur l’immigration. Sous l’impulsion de son vieux leader Christoph Blocher, elle a lancé en novembre une initiative populaire dans le but de redessiner plus strictement les contours de la neutralité helvétique. Avec la question des sanctions contre la Russie ainsi que celle des exportations d’armes et de munitions, ce thème devrait continuer à occuper le devant de la scène durant toute l’année.

«En même temps, c’est un thème embarrassant pour l’UDC», tempère Oscar Mazzoleni, «parce que la question posée est de savoir si la Suisse est prête à sacrifier son industrie de l’armement au nom de la neutralité». Et voilà que l’UDC, parti de l’économie au côté du PLR, se retrouve à marcher sur les plates-bandes des Verts, très actifs sur ce dossier.

Il y a quatre ans, deux vagues, l’une verte, l’autre violette, avaient déferlé sur les élections fédérales. La politique climatique et les questions féminines, dans la foulée du mouvement #MeToo et de la grève des femmes, avaient focalisé la campagne. L’UDC avait été renvoyée dans les cordes, faute de discours crédible sur ces thèmes. Avec pour résultat la perte de douze sièges au Conseil national.

Dans l’intervalle, la donne a quelque peu changé. En 2021, l’UDC a remporté son référendum contre la loi sur le CO2 (51,6% de non), en misant sur l’opposition villes-campagnes, et en se positionnant comme le parti des régions périphériques contre les villes de gauche. Et aujourd’hui, elle déclare la guerre à la «terreur du genre», en se positionnant comme preux chevalier du conservatisme face à la «culture woke».

Avec cela, l’UDC a-t-elle toutes les cartes en main pour reconquérir des sièges cet automne? Nul ne le sait encore. «Les élections fédérales, comme on l’a vu depuis vingt ans au moins, peuvent échapper à la maîtrise des formations politiques», estime Oscar Mazzoleni. «Les aléas de la politique internationale et les éventuelles catastrophes naturelles peuvent entrer abruptement et de façon imprévisible dans la campagne et modifier l’agenda politique.»

Prière de l’UDC et du PS

Qui aurait pu imaginer il y a un an que la question de savoir comment passer l’hiver au chaud allait devenir aussi… brûlante? Dans la même veine, l’UDC doit prier pour éviter qu’une grosse sécheresse ne vienne bousculer ses plans de campagne cet été. Le PS peut d’ailleurs prier avec elle, parce que le réchauffement climatique est un thème, où malgré tous ses efforts, il continue à se faire damer le pion par ses alliés verts.

En règle générale, les élections fédérales sont dominées par deux à trois thèmes qui s’imposent d’eux-mêmes dans le courant de l’été, juste au moment où Conseil fédéral, parlement et partis sont endormis sur les plages, les doigts de pied en éventail. Et c’est en fonction de la crédibilité des différentes formations politiques face aux électeurs sur ces deux à trois thèmes que se joue souvent une victoire ou une défaite.

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