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Basketball

Le bon vivant qui ne s’arrête jamais

En 1976, Vladimir Karati débarquait sur les bords de la Sarine. Durant neuf ans, il fera le bonheur de Fribourg Olympic, avec qui il a remporté six titres de champion de Suisse. «La Liberté» a retrouvé la légende du basket fribourgeois.

Vladimir Karati et son rire communicatif devant «la paroi de gloire», recouverte des fanions remportés avec Fribourg Olympic.

 François Rossier

François Rossier

23 décembre 2016 à 05:00

A peine le photographe aperçu, Vladimir Karati éclate de rire et s’empresse de lui serrer la main. Quarante ans après avoir collaboré sur des projets d’architecture, les deux hommes se recroisent toujours avec plaisir. Légende bien vivante de Fribourg Olympic, «Vlado» a désormais 70 ans. Le Serbe ne les fait pas. Plus que son look décontracté avec jeans, polo et petites lunettes rondes, c’est son humour et sa joie de vivre qui le gardent jeune. La séance photo tourne d’ailleurs à la franche rigolade. Le jeune septuagénaire déplace son mètre 93 – «Avec l’âge, je mesure plutôt 1 m 91», se marre-t-il – sur la commode de son bureau d’architecte et prend la pose avec bonheur. Avant de commencer l’entretien, l’hôte insiste pour offrir un verre aux visiteurs. «Un café, s’il vous plaît», demande-t-on poliment. L’ancien basketteur s’arrête, nous regarde et réplique avec sa voix grave et son accent slave: «Non, pas un café. Un Cuba Libre!»

Un caractère de vainqueur

Aussi souriant et sympathique soit-il, Vladimir Karati aime dicter ses choix. «La vie est un grand jeu où chacun a un rôle. Moi, je suis un décideur», se plaît-il à formuler. Les trois rhum-coca qui arrivent sur la table et sa carrière sont là pour en attester. Au sommet de son art au début des années 70 en Yougoslavie, «Vlado» s’est lassé des promesses qu’on lui faisait miroiter. «Je voulais fonder une famille et travailler comme architecte. Comme on me menait en bateau, j’ai décidé de faire mes neuf mois de service militaire pour régler ma dette envers mon pays, puis j’ai écrit à la Fédération suisse pour proposer mes services aux clubs de LNA», raconte-t-il avec entrain. Fribourg Olympic, grâce notamment à l’envoi de quelques brochures touristiques (!), a fini par emporter la mise.

Arrivé à Fribourg le 1er août 1972 – «Toute la Suisse a fêté ma venue!» rigole-t-il –, Karati marque rapidement les esprits. «Il travaillait comme un fou et ne lâchait jamais rien», se souvient Dominique Currat, son coéquipier pendant six ans. «J’ai un caractère de vainqueur», confirme le principal intéressé. De mauvais perdant aussi? «C’est pareil, mais je préfère la première formulation», sourit-il.

Sur le terrain, cela n’a plus rien à voir avec ce qu’il a connu à Belgrade. «Le choc total! De trois entraînements par jour, je suis passé à deux par semaine. Pour compenser, j’allais courir encore 10 km après l’entraînement», raconte celui qui a dû mettre un terme à sa carrière après six titres de champion et deux Coupes de Suisse, à cause d’une blessure au tendon d’Achille. «La faiblesse grecque!», se marre-t-il, sans ressasser de regrets. Ou peut-être si, celui d’avoir «terminé prématurément sa carrière professionnelle»: «Je l’ai fait en connaissance de cause, mais j’aurais pu jouer à un haut niveau, peut-être même en NBA, si j’étais resté quatre ou cinq ans de plus là-bas (en Yougoslavie, ndlr).»

Il a néanmoins apprécié ses années avec Fribourg Olympic. Un temps marqué par le succès et les sorties. «J’ai vécu une période inoubliable à Fribourg. J’ai apprécié chaque instant», se souvient-il. Bon vivant, il ne crachait pas dans son verre et se grillait volontiers une petite sèche. «A la fin de ma carrière, j’ai commencé à fumer passablement, mais un jour, j’ai dit stop», raconte ce féru de fitness, qui s’astreint à deux heures d’exercices quotidiens.

Le souci de la 3e mi-temps

Karati a aussi pris ses distances avec le basket. S’il suit la NBA et l’Euroligue, il ne se déplace plus pour aller suivre Olympic. «Je dois faire des choix. Je n’arrive pas à tout faire. Avec mon travail, mes enfants et mes petits-enfants, je n’ai pas le temps d’aller voir des matches. Le problème, ce n’est pas tellement la 1re ou la 2e mi-temps. Le problème, c’est plutôt la 3e!» s’esclaffe encore le No10 d’Olympic dont le maillot a été suspendu au plafond de la salle Saint-Léonard.

A 70 ans, il tient la forme «Vlado». Et ne lui parlez surtout pas de retraite. «Moi, retraité? Jamais! J’aime mon métier et j’en ai besoin pour garder mon confort de vie», explique l’architecte. Tout juste a-t-il consenti à transmettre le flambeau à son fils. «Je lui ai donné l’entreprise, mais c’est toujours moi qui décide», lâche-t-il dans un grand éclat de rire. Le secret de cette belle mine? «Je suis un battant. Infatigable? Pour l’instant oui! Etre en bonne forme physique c’est bien, mais l’humeur est tout aussi importante. Je suis quelqu’un de souriant qui adore blaguer.»


 

Les nombreuses perles de sa pochette à souvenirs

Le bureau de Vladimir Karati regorge de souvenirs. Au milieu des matriochkas, les fameuses poupées russes en bois peint, et des fanions décernés aux champions de Suisse, on découvre un tableau du mérite sportif 1977, des bouteilles d’alcool fort – «Des cadeaux qu’on m’a offerts lors de mes voyages professionnels», précise l’architecte – et quelques Coupes. Mais le véritable trésor se trouve dans un tiroir de son bureau. Dans une pochette en plastique jaune, «Vlado» a conservé des dizaines de coupures de journaux et de photos. Certaines datent de la fin des années 60 lorsque Karati martyrisait les défenses yougoslaves.

«Sous cette photo, il est écrit: Parfois, même quatre joueurs ne pouvaient pas l’arrêter», traduit-il fièrement, en racontant ce match de 2e division où il a enquillé les paniers pour inscrire… 88 points! Karati montre aussi le blason de l’équipe nationale yougoslave qu’il a décousu de son training. «Il était foutu. Je n’ai gardé que ça. C’est moins volumineux», sourit-il. Le visage retrouve son sérieux quand il tombe sur une carte postale de son grand-père. «Elle n’a rien à voir avec le basket. Il me disait d’être sérieux et de ne pas fumer», explique-t-il. De sa vie en Yougoslavie, il raconte encore son «ascension fulgurante».

«Quand je suis arrivé à Belgrade pour étudier, j’étais déboussolé. J’ai attendu deux mois avant d’oser aller m’entraîner avec Radnicki. D’abord, j’étais tout juste dans les 20, puis dans les 12, après dans le cinq de base et pour finir capitaine. Lors de mon dernier match, après neuf mois de service militaire, j’ai marqué 48 points. Les dirigeants voulaient me garder, mais ma décision était prise.» Dès 1972, il fera les beaux jours de Fribourg Olympic comme en témoigne cette manchette de feu le journal La Suisse, qu’il déploie en se marrant. Dessus, il écrit en lettres majuscules: «MERCI KARATI!» FR


 

Bio expresss

Naissance

Le 17 mars 1946 à Subotica (ex-Yougoslavie, aujourd’hui nord de la Serbie).

Famille

Marié à Liliane, 
il habite à Granges-Paccot. Il a trois enfants Tina (42 ans), Sascha (40) et Vanya (34) et trois – «bientôt quatre!» – petits-enfants

Carrière

Il commence le basket à 17 ans à Novi Sad. A 19 ans, il rejoint Radnicki Belgrade. A 26 ans, il arrive au Fribourg Olympic où il joue jusqu’à 35 ans.

Palmarès

Champion de Suisse en 1973, 1974, 1978, 1979, 1981 (joueur) et 1985 (coach-assistant), vainqueur de la Coupe 
de Suisse en 1976 et 1978. 
Il compte 
17 sélections en équipe nationale de Yougoslavie.

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