Commotions. les détecter pour mieux les soigner
Un capteur 100% fribourgeois, élaboré par l’Ecole des métiers, doit aider à déceler les commotions
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Jean-Bernard Paillisser
22 mai 2019 à 20:18
Blessure » La commotion cérébrale est-elle devenue le mal du sport moderne? On peut le penser à la voir gagner du terrain régulièrement dans ses lieux d’exercice privilégiés: stade, route, montagne ou ring. En phase de développement, un capteur approfondissant la connaissance de la commotion cérébrale chez les sportifs mobilise actuellement l’Ecole des métiers de Fribourg, l’Institut IPrint, le Hockey-Club Fribourg-Gottéron et l’HFR. Un partenariat appelé prochainement à s’élargir à l’industrie autour d’un produit 100% fribourgeois.
Chacun sait que les chutes, les percussions, les coups ou le contact rugueux avec l’adversaire peuvent engendrer des commotions. Cet ébranlement du cerveau génère des dégâts variables selon l’importance du choc qui méritent attention et le plus souvent un suivi médical.
Un dépistage aléatoire
Dépister une commotion demeure un exercice difficile même pour le corps médical car ses complications secondaires s’avèrent multiples et sournoises: perte de connaissance, de réactivité, d’équilibre, de mémoire, mauvaise concentration, désorientation, maux de tête, sensation de pression dans le crâne, douleurs dans la nuque, nausées, étourdissements, etc.
Le Dr Pierre Fournier, médecin de l’Association suisse de football (ASF) et chef du service de médecine du sport de la clinique romande de réadaptation à Sion, précise: «La commotion obéit à des mécanismes multidirectionnels dont il est difficile de mesurer les forces. Le seuil de susceptibilité est très individuel.» Pour le Dr Fournier, le capteur idéal devrait être capable de «mesurer les forces qui, par un système de bio-feed-back, permettraient d’apprendre un geste correct: la tête en football par exemple. Un autre mode de prévention consisterait pour le joueur à anticiper le geste ou l’arrivée du ballon en s’y préparant.»
Depuis quelques années, les fédérations sportives ont pris les devants en améliorant, grâce au corps médical, la détection de la commotion et en informant le sportif. Est-ce efficace? Les cas de commotion demeurent stables dans le football de haut niveau (0,8% du total des accidents) grâce aux politiques préventives des fédérations et des clubs. Selon le Dr Fournier, «les chocs en football sont dus aux contacts entre une partie du corps, le plus souvent un membre supérieur, de l’adversaire et la tête. Le ballon, lui, absorbe une grande partie du choc, mais un geste correct reste indispensable.»
Mais l’appétit du jeu pour certains sportifs l’emporte sur la sagesse ou l’esprit de conservation. L’essentiel est de jouer, de ne jamais s’arrêter malgré les cadences et les chocs endurés, de relever des défis physiques impossibles.
Travail pluridisciplinaire
Le capteur conçu à l’Ecole des métiers de Fribourg est dû à l’inclination de sa doyenne Estelle Leyrolles, ancienne basketteuse de haut niveau intéressée de par son passé professionnel dans l’industrie aéronautique à la technologie des capteurs et sensibilisée aux commotions dans le sport.
Une première réunion en septembre 2018 avec son collègue Laurent Gauch, les ingénieurs de l’école, Martin Kuhlmann et les ingénieurs de I’Institut IPrint de Marly a permis de donner corps au projet qui a été amélioré au fil des mois. «Le capteur valorise le savoir-faire de l’école et le dynamisme de ses équipes, explique la doyenne. De fait, les apprentis électroniciens ont contribué à son élaboration. Son originalité est de détecter l’énergie délivrée à la boîte crânienne ainsi que son orientation lors d’un choc et de faire des mesures en continu, mesures recensées par un consultant médical, en l’occurrence le Dr Petek, membre de l’unité commotion du HCFG. En quelque sorte, ce capteur permet de mieux détecter pour mieux soigner.» Et d’ajouter: «Il est destiné aux compétiteurs sportifs, conscients ou non des risques encourus par leur pratique et qui souhaitent déceler un ou des événements qui pourraient conduire à des risques de santé.»
Aucune date n’est retenue pour la mise en service du capteur car sa capacité doit être élargie. Des contacts ont été pris également avec le Syndicat des joueurs de rugby français ainsi qu’avec d’autres disciplines.
Demain, le relais sera passé à l’industrie. Le capteur pourra intéresser non seulement les sports de combat mais l’ensemble des sports collectifs, ceux présentant des risques de chute (gymnastique, patinage artistique) et les sports de vitesse (sports motorisés, ski, vélo, VTT). Il pourrait aussi bénéficier au grand public. Un motif de fierté indéniable pour l’Ecole des métiers.
C’est grave, docteur?
La commotion est une alerte induisant des problèmes thérapeutiques plus graves tels des atteintes psychomotrices, la paralysie ou le décès brutal. Selon le Dr Daniel Petek, des études menées sur les capteurs utilisés par les footballeurs américains confirment que les valeurs seuils pour l’établissement d’un diagnostic ne sont pas valables car la commotion cérébrale atteint distinctement les individus. Pour aider les professionnels de la santé, il faudrait un vecteur localisant la zone de la boîte crânienne atteinte par le choc ou le contrecoup. «Nous pourrions ainsi gagner du temps et mieux assurer un suivi de soins ou de récupération», affirme le médecin. Opposé à la globalisation d’un seuil à ne pas dépasser, le Dr Petek reconnaît que la commotion est encore très mal cernée au plan mondial. Peut-on aller plus loin pour mieux appréhender ce mal? «Certainement» répond-il, en espérant de prochaines améliorations dans «la localisation des zones touchées et la prise en charge du sportif en termes de récupération et de retour au sport». JBP
Un Dragon comme cobaye
Pour développer son capteur, l’Ecole des métiers l’a testé sur un jeune hockeyeur.
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