Logo

Canton

En montagne, le défi de la mobilité

Dans les Préalpes, la cohabitation des véhicules privés avec la nature et l’agriculture doit être repensée

Gestion des parkings en montagne. Au Gros-Mont, il a été décidé de changer le système de mobilité avec une limitation des parkings sur le haut du mont Photo Lib / Charly Rappo, Gros-Mont, 06.08.2019Charly Rappo

Guillaume Chillier

Guillaume Chillier

9 août 2019 à 19:38

Loisirs » Comment concilier la hausse constante de la pratique de la montagne avec le respect de l’environnement, le tout en ménageant l’économie alpestre? La réponse à cette question devient de plus en plus urgente avec comme casse-tête central à résoudre: la mobilité.

En montagne, l’afflux de véhicules est parfois très voire trop important et certains tentent de prendre le taureau par les cornes. C’est le cas du Parc naturel régional (PNR) Gruyère Pays-d’Enhaut qui travaille depuis plusieurs années sur la question. L’objectif: inciter à penser différemment les transports en montagne, problématiques les jours de fortes affluences.

«Là-haut, il y a régulièrement une surcharge de trafic et cela pose des problèmes de sécurité», explique Bruno Clément, chef de projet «développement durable et sensibilisation» au PNR et conseiller communal à Val-de-Charmey. Là-haut, c’est la vallée du Gros-Mont, où un concept de mobilité a récemment été mis en œuvre. Mesure prise, notamment: limiter le nombre de places de parc au lieu-dit Haut-du-Mont. «Les randonneurs sont invités à se parquer plus bas et l’ancien sentier pédestre menant au Haut-du-Mont, en cours de réfection, offre déjà un accès plus rapide et agréable», poursuit-il.

«Nous voulons montrer qu’il est possible voire agréable d’accéder à la montagne sans véhicule privé.»

Bruno Clément

Parking payant?

Ce concept a valeur de test non seulement pour le Gros-Mont, mais pour toute la mobilité dans les Préalpes. «Nous allons faire le point à la fin de la saison pour voir les suites à donner à ce projet», ajoute-t-il. Est déjà évoquée l’idée de rendre payant le parking ou de mettre en place une navette depuis la route cantonale. Pour l’heure, des rangers sont chargés de sensibiliser et informer les visiteurs.

Au PNR, ce concept intervient après plusieurs avancées à même de concilier loisirs et préservation du milieu naturel. Le parc a déjà fait signer une charte aux professionnels du tourisme afin «qu’ils s’engagent à respecter les réglementations des zones protégées et qu’ils sensibilisent aux risques de dérangement de la faune». A aussi été éditée une brochure présentant diverses randonnées accessibles en transports publics. Enfin, le PNR a lancé la journée Au parc sans voiture, qu’il réorganise fin août. «Nous voulons montrer qu’il est possible voire agréable d’accéder à la montagne sans véhicule privé», détaille Bruno Clément, qui ajoute qu’une augmentation de l’offre en transports publics serait bienvenue.

Réalisés à l’origine pour faciliter l’économie alpestre, les chemins de montagne sont aujourd’hui largement utilisés pour les loisirs. Et ces usages ne font parfois pas bon ménage. «Ces routes ont été créées à la fin des années 1970 et au début des années 1980. La cohabitation entre l’économie alpestre et les loisirs était alors possible. Aujourd’hui, c’est devenu très compliqué. Il y a des excès», analyse le préfet de la Gruyère, Patrice Borcard. Il ajoute: «Il y a une prise de conscience à différents niveaux d’un certain décalage entre les anciennes pratiques et les sensibilités actuelles. Il faut prendre des distances avec un certain confort d’accès et certaines habitudes. Mais il faut expliquer, utiliser la pédagogie.» Cela ne l’a pas empêché de délivrer une cinquantaine d’amendes l’an dernier pour punir les plus récalcitrants.

La ville et la montagne

Dans d’autres lieux fort fréquentés, des aménagements ont été réalisés pour, au moins, cadrer l’afflux de véhicules. Mais ils ne sont pas du goût de tout le monde. Comme Pro Natura, qui estime qu’aménager des espaces peut créer un appel d’air malvenu et augmenter la circulation.

L’organisation écologique estime par exemple qu’un nouveau parking aménagé aux Sattels, au-dessus de Bellegarde, n’est pas conforme. Ce dossier est pour l’heure entre les mains des services cantonaux. «Voulons-nous qu’il y ait autant de circulation en montagne qu’en ville?», s’interroge José Collaud, chargé d’affaires et responsable de la réserve du Vanil-Noir chez Pro Natura. Pour lui, l’excès de véhicules crée non seulement de la pollution, mais aussi une forte pression sur la nature.

Reste que le sujet est politiquement délicat. Les intérêts des uns et des autres sont souvent diamétralement opposés. Parfois même, il existe un flou juridique quant à l’utilisation des routes qui s’engouffrent dans la montagne. «Mais interdire l’accès est presque impossible. Cela fait vingt ans qu’on le tolère. Alors il faut au moins garantir la sécurité», ajoute le préfet.

Au final, c’est un équilibre parfois précaire entre accès et respect qu’il s’agit de (re)trouver. «Mais les habitudes évoluent lentement», observe Bruno Clément. Tout le monde cherche des solutions. Et tout le monde ou presque est convaincu que chacun doit y contribuer.

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus