Paul Dembinski
25 septembre 2019 à 04:01
Opinion » La normalisation des taux d’intérêt extrêmement bas – désespérément bas, diront les épargnants et les banques de crédit – sur un fond de croissance très faible pourrait déboucher sur des politiques autrement plus radicales. Les taux négatifs devraient se répercuter sur les taux d’actualisation et encourager ainsi des projets d’investissement en ligne avec le souci pour la planète et pour le climat. Un taux d’actualisation négatif implique que les revenus futurs de l’investissement – exprimés en francs d’aujourd’hui – ont une valeur supérieure à leur niveau nominal. Donc, les taux négatifs devraient inciter à privilégier le long terme. Paradoxalement il n’en est rien.
En effet, le taux d’actualisation utilisé par les entreprises vient moins du marché du crédit que des exigences de rendements attendus par les actionnaires (privés comme boursiers). Or tout porte à croire que ces taux sont plus proches de 15% (positifs) que de moins 10%. Cette réalité met en évidence le fait qu’en matière d’investissement réel, les taux directeurs n’ont pas d’impact sur les choix des investissements et suggère que la politique des taux bas ou négatifs relève de la gestion de la «bulle de liquidité» dont la présence a un effet délétère sur l’économie.
Selon la soi-disant «loi de l’offre et de la demande», un prix bas – d’autant plus un prix négatif – indique une surabondance de l’offre. En effet, les fonds prêtables sont aujourd’hui pléthoriques par rapport aux besoins d’investissement.
Pour ramener le marché du crédit d’investissement vers l’équilibre, il faudrait l’assainir – comme on assainit le marché des tomates ou de l’électroménager – par des soldes, voire par de la destruction pure et simple des invendus. Or, les taux négatifs actuels sont trop faibles pour avoir un véritable effet de déstockage. Il faudrait qu’ils s’enfoncent plus dans le rouge. Au lieu d’être détruit, le surplus des fonds est soit «mis au frigo» à la Banque centrale en attendant des temps meilleurs, au prix d’une érosion marginale; soit se déverse sur d’autres marchés (la bourse) en propulsant les indices vers des niveaux de risque sans précédent, ce qui contribue à maintenir un semblant d’euphorie alors qu’il s’agit d’un effet purement spéculatif.
Face à une surabondance nocive du capital dont l’activité économique n’a ni besoin, ni la volonté ou la possibilité de le rémunérer, il faut des mesures autrement plus radicales: telles que taxation confiscatoire des gains boursiers – et assimilés – au-delà du taux de croissance de l’économie avec, en parallèle, des taux négatifs de 10, voire 15% sur les liquidités oisives. Une telle mesure, si elle est annoncée avec un peu d’avance pour obliger les banques à faire le ménage dans leurs bilans, devrait entraîner une destruction du capital et, indirectement, un démarrage de l’activité économique. Ce serait aussi un coup de pouce sérieux aux projets d’investissements avec des très bas taux d’actualisation.
Une question reste: qui aura le courage d’une telle démarche? La période électorale devrait au moins permettre le débat.
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