Rompre avec le tabou des règles grâce à «un congé menstruel réfléchi»
Dans son livre Briser le tabou des règles, Aline Bœuf plaide pour que les règles soient davantage considérées dans la sphère publique.
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23 octobre 2023 à 17:50
Santé sexuelle » Dissimuler un tampon dans sa main, sortir discrètement de la classe pour aller aux toilettes et prier pour que son pantalon ne soit pas taché. Se rendre compte quelques années plus tard qu’il n’y a pas de poubelle dans la cabine WC de son entreprise et devoir en ressortir un peu honteuse avec sa serviette enroulée dans du papier. Combattre les décharges qui irradient jusque dans les intestins et se concentrer tant bien que mal sur son travail. Rester clouée au lit durant deux jours dans le pire des cas. Ces scènes du quotidien sont évocatrices pour la moitié de la population tandis que leur description déconcerte certainement le reste du commun des mortels. Parce que les règles sont encore passées sous silence dans la sphère publique et spécialement dans le milieu du travail, l’assistante-doctorante en sociologie à l’Université de Genève Aline Bœuf livre son analyse ainsi que des pistes dans Briser le tabou des règles, sorti il y a peu.
Le choix de couverture de votre livre (du sang menstruel entre des pieds nus dans une baignoire) est audacieux!
J’avais été très claire avec mon éditrice lorsque l’on a commencé à parler de l’objet du livre. Je ne voulais pas d’illustration de type une rose ou une culotte avec une tache. Cette couverture sert à briser le tabou dès le départ. Ça a été un challenge aussi car lorsque mon éditrice et moi avons soumis le projet à d’autres, ça a fait réagir. Notamment des femmes qui trouvaient ça sale et que les pieds étaient moches… Je ne savais pas que des pieds pouvaient être moches (rires).
Et pourquoi ce thème?
Comment vivre ses règles au travail est venu rencontrer ma démarche personnelle – mes tactiques pour gérer mes règles très douloureuses et mes syndromes prémenstruels – et les questions d’analyse organisationnelle et de qualité de vie au travail que j’avais abordées lors de mon bachelor en économie d’entreprise et dans mon travail. Le livre est issu de ma thèse de master en sociologie. Je me souviens qu’une camarade de classe m’avait dit qu’il n’y avait rien à en dire. Au contraire, pour moi, traiter des règles au travail était une énorme énigme. J’ai pu constater que, si les expériences autour des menstruations au travail étaient multiples, les questionnements sur la gestion du sang, les variations des douleurs et de l’humeur étaient communs.
Cela fait plusieurs années qu’éclosent bouquins et comptes sur les réseaux sociaux sur les règles. Qu’apporte de plus votre travail?
C’est drôle parce que lorsqu’on m’a proposé d’en faire un livre, j’ai dit qu'il y en avait assez sur le sujet. Mais si j’avais écrit un polar, je ne me serais pas posé la question! Je me suis concentrée sur l’expérience au travail, dans l’espace scolaire et public. Je voulais aussi que ce livre soit positif et qu’il fasse émerger des solutions. L’idée était de partager également des témoignages de personnes menstruées pour montrer la diversité des expériences.
Vous proposez d’ailleurs le terme de menstrudiversité. D’où vient-il?
C’est parti des travaux sur la neurodiversité, qui est un terme servant d’outil de compréhension et qui a également une valeur militante pour défendre les intérêts des personnes avec des neurodivergences (les différents types de fonctionnements neurologiques chez l’être humain, l’autisme, le trouble de l’attention, les troubles en dys notamment, ndlr). Avec les règles, c’est la même chose: ce n’est pas une pathologie en soi lorsqu’il n’y a pas de pathologie sous-jacente. Il y a ce besoin de militance aussi, de défendre les intérêts des personnes menstruées qui sont trop peu entendues dans la sphère du travail.
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