Un univers japonais sans surprise
L'article en ligne - Critique roman À la recherche d’une lecture de vacances, la Page Jeunes s’intéresse au nouveau roman de la Québécoise Aki Shimazaki, « Fuki-no-tô ».
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Lise Schaller
17 juillet 2018 à 19:36
« Je flâne dans le bosquet de bambous. C’est le début de mars. À l’ombre, il reste encore de la neige ici et là. Je marche lentement sur la terre humide. Les camélias rouges au cœur jaune apparaissent entre les vieux bambous vert grisâtre. C’est une beauté simple et sereine que j’adore depuis mon enfance. »
Phrases courtes et simples, lenteur, délicatesse : les premières phrases du roman Fuki-no-tô (en français « la tige florale de pétasite ») résument bien le style d’Aki Shimazaki. Avec le quatrième opus de son cycle « L’ombre du chardon », l’auteure nous invite dans l’intimité d’Atsuko, une femme d’âge mûr dépeinte sur un fond qui lui fait écho : un bosquet de bambous qui a grand besoin d’être réaménagé. L’histoire se déroule au Japon dans la ferme biologique qu’Atsuko a hérité de son père. Son mari, patron d’une revue qu’il a fondée lui-même, se fait difficilement à la vie en campagne. Très vite, le lecteur découvre les parties d’ombres de la vie des protagonistes : la femme avec laquelle le mari d’Atsuko l’a trompée il y a quelques années la hante. Une autre femme, Fukiko, débarque dans la vie d’Atsuko alors qu’elle en avait disparu depuis le temps du lycée. Le roman, abordant principalement le thème de l’homosexualité, dépoussière les non-dits enfouis de chaque vie sans jamais en dire trop : l’histoire, tout comme l’écriture, est simple et laisse au lecteur le loisir de faire appel à son imagination.
L’auteure, bien qu’établie à Montréal et écrivant en français, a grandi au Japon. À la fin du livre, un glossaire invite le lecteur à se renseigner sur les termes japonais utilisés dans l’histoire. Bien que leur apparition soit sporadique, devoir couper sa lecture pour se renseigner peut déranger. D’autres choix dans le vocabulaire utilisé ou dans la composition sont à remettre en question : les noms de propres sont souvent abrégés par une seule lettre (on retrouve monsieur R., la revue N., le village d’U. ou la ville de M.). D’autres noms d’une moindre importance se passent cependant de ce processus et, loin de donner un sentiment universel et intemporel à l’histoire, ces abréviations gênent. L’histoire, parlons-en : avec pour thème principal l’homosexualité, Aki Shimazaki aborde un grand tabou de la société japonaise. On s’attend à un point de vue nouveau et moderne mais un déroulement sans surprise laisse le lecteur sur sa faim. Il en va de même pour l’écriture : la simplicité a cela de dangereux que le choix des mots doit être précis pour faire son effet. Là encore, le langage quelque peu plat et naïf ne fait pas mouche ; il met plutôt une distance avec les personnages qui provoque un manque d’intimité avec les protagonistes de l’histoire. De plus, les symboliques, omniprésentes tout au long du roman, sont en décalage avec le style épuré car trop visibles. Entre distance mystérieuse et clarté enfantine, on ne sait pas si Aki Shimazaki a voulu donner au lecteur toutes les clés pour comprendre son nouveau roman ou non.
Nous laisserons au roman l’image très japonaise qu’il renvoie. Débutant avec une description de la nature et de la saison, il ouvre l’histoire tel un haïku. Tout en retenue, la distance avec les personnages peut se comprendre quand on pense à la société japonaise, rarement dans l’excès pour ce qui concerne les relations humaines. Quant au thème de l’homosexualité, bien qu’il puisse laisser cette impression de déjà-vu au lecteur occidental, fait probablement un autre effet au Japon.
La plongée dans ce monde exotique est plaisante ; elle manque juste d’éclat. Peut-être qu’Aki Shimazaki saura nous surprendre avec le cinquième opus de son cycle.
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