Soutien-gorge obligatoire!
Une collégienne fribourgeoise s’est vu reprocher l’absence du port d’un soutien-gorge en classe. Qu’est-ce que ce sous-vêtement dit des femmes?
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Elsa Rohrbasser
1 février 2021 à 02:01
Polémique » A la rentrée de septembre, un cycle d’orientation genevois créait la polémique en ordonnant le port d’un tee-shirt portant l’inscription «J’ai une tenue adéquate» aux élèves dont l’accoutrement du jour était jugé inapproprié. Dans les établissements scolaires fribourgeois aussi, il existe des règles vestimentaires à respecter: le mois dernier, une élève du Collège de Gambach a été convoquée par son professeur de classe pour se voir reprocher le fait qu’elle ne portait pas de soutien-gorge.
Comment expliquer à une adolescente que ses seins, lorsqu’ils ne sont pas maintenus par ce sous-vêtement, sont indécents? «Mon prof de classe m’a expliqué qu’à la réunion des professeurs, ils avaient parlé du fait que ma tenue n’était pas adéquate. Il m’a dit que le problème était que je ne porte pas de soutien-gorge. C’est mon corps, il m’appartient et je devrais pouvoir mettre ce que je veux», estime Louise*, collégienne de 16 ans.
A chacune ses seins
Selon la sociologue Caroline Henchoz, ce type d’injonction pose plusieurs problèmes: «On sexualise le corps des jeunes filles. Le message véhiculé par ce genre de remarques, c’est que leur corps n’est pas neutre. De plus, le fait que ce soit des adultes qui posent un regard et un avis renvoie à l’idée que leurs corps sont publics, que tout le monde peut avoir une opinion sur eux et peut intervenir.»
Pour les femmes qui choisissent de ne pas en porter, le soutien-gorge représente l’uniformisation des poitrines – pourtant toutes différentes – afin de satisfaire des normes esthétiques dictées par une société patriarcale. Si abandonner le port du soutien-gorge était une arme de revendication à la fin du siècle dernier, c’est aujourd’hui encore un symbole de réappropriation du corps des femmes. «Moi, je suis là pour étudier, pas pour qu’on me dise quels sous-vêtements je dois porter ou non», s’agace Louise.
Pourquoi cette gêne?
Alors pourquoi certains professeurs s’accordent-ils la légitimité d’interdire à des jeunes filles de s’émanciper des diktats sociétaux et de l’hypersexualisation permanente liés à leur poitrine? Qui sont les personnes véritablement gênées par une absence de soutien-gorge? Des adultes incapables de ne pas regarder les seins de leurs élèves, ou des adolescents dont les pulsions sexuelles sont en effervescence? Pourquoi les femmes devraient-elles porter un soutien-gorge si elles n’en ont pas envie?
Contacté par la Page Jeunes, Pierre Marti, recteur du Collège de Gambach, s’est dit surpris par cette histoire dont il n’avait pas eu vent jusqu’ici: «La remarque du professeur a peut-être été mal comprise. Nous ne nous attardons pas sur des détails comme un soutien-gorge mais plutôt sur la tenue en général, qui se doit d’être adaptée aux études.»
* Prénom d’emprunt
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