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Le franc succès de Jodel

Page Jeunes -Réseaux sociaux • L’application introduite en septembre dernier à l’Université de Fribourg fait fureur, et pas seulement sur le campus. Analyse d’un phénomène atypique.

A n’importe quelle heure de sa journée, l’étudiant se tourne vers Jodel pour critiquer et rigoler.

Inès Conti

Inès Conti

18 avril 2016 à 14:40

Pas besoin d’inscription, de profil ou de photo: télécharger l’application «Jodel», c’est tout ce qu’il faut pour entrer dans cette immense communauté. On y poste une blague, une question, un avis, une citation, souvent de manière succincte; tous les utilisateurs dans un rayon de 10 kilomètres reçoivent alors dans leur application le «jodel», cette espèce de tweet façon estudiantine. On peut y répondre, «upvoter» (ou liker, si vous préférez le langage de Facebook) ou «downvoter», mettre un «J’aime» négatif, lorsqu’on trouve le jodel stupide ou inintéressant.

Une fois le vocabulaire de l’application intégré, on l’ouvre à tout bout de champ: durant l’intercours, dans le bus, dans son lit avant de dormir. Et c’est addictif. «On ne peut pas parler de drogue, mais presque: recevoir un upvote, c’est comme un petit chocolat, ça booste, et on en veut à nouveau», explique Andreas Fahr, professeur en recherche empirique de la communication à l’Université de Fribourg. Alors que tant de réseaux sociaux existent déjà, comment expliquer le succès incroyable de Jodel dans notre petite ville fribourgeoise?

Anonymat et immédiateté

S’il n’y a pas besoin de profil pour «jodeler», le message ou jodel diffusé est parfaitement anonyme, intraçable, en clair, une porte ouverte aux insultes. «L’anonymat de Jodel est un facteur de son succès. Lorsqu’on ne montre pas son visage, on devient forcément plus méchant, plus malpoli, relève Andreas Fahr. Une application telle que Jodel donne aux étudiants d’un même auditoire un sentiment d’appartenance à une petite communauté. Ils peuvent ainsi réagir aux propos d’un autre étudiant ou du professeur en ayant l’impression d’être réunis sans se connaître.»

Réagir à l’instant même, avec ceux qui sont proches de nous: un autre facteur de la popularité de l’application. La proximité entre jodleurs est d’ailleurs parfois accentuée par une mention au-dessous du jodel, selon notre distance physique avec son auteur. «Jodel, c’est vivre une situation en live. On poste, on reçoit immédiatement un feedback. Ce qui est simple avec Jodel, c’est qu’on sort très vite de la situation physique dans laquelle on se trouve, et on y revient très facilement», analyse Andreas Fahr.

Les universitaires utilisant Jodel ont cependant vu leur plaisir écourté. En effet, depuis décembre, des jodleurs se plaignent des élèves du CO envahissant l’application: «J’utilisais Jodel à ses débuts, quand les blagues avaient un rapport à l’université et qu’on pouvait s’y identifier. Lorsque les plus jeunes ont commencé à s’y mettre et à se faire des blagues entre eux, de nombreux étudiants de l’uni ne se sentaient plus concernés et ont arrêté d’écrire, dont moi», raconte Luc, étudiant de 22 ans en économie politique à l’Université de Fribourg.

Sans doute est-ce dû à la compatibilité de l’application avec la vie d’étudiant en général, comme le décrit le professeur Fahr: «Le temps pour Jodel est clairement présent dans la vie d’un étudiant: il y a les pauses entre les cours, il y a les cours ennuyeux, ce dont ne dispose pas un employé en entreprise, par exemple.» Avec ses particularités, l’avenir nous dira si Jodel intégrera la postérité des réseaux sociaux comme l’ont fait Facebook, Instagram ou encore Twitter.

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