Dominique Dreyerancien ambassadeur
10 mai 2019 à 04:01
Alex a croqué avec humour un Ueli Maurer étalant un tapis rouge pour se mettre au service de l’économie chinoise (24.4). Alex a du talent, mais il a tort. En travaillant avec la Chine, M. Maurer travaille pour la Suisse, dépendante depuis toujours de ses produits d’exportation. En apportant leur soutien à l’initiative de la «nouvelle route de la soie», la Suisse et ses entrepreneurs ne font que ce qu’ils ont toujours fait: s’adapter à l’émergence inévitable, et d’ailleurs anticipée, de l’économie chinoise. Voyez seulement l’économie fribourgeoise: La Liberté du 25 avril nous apprend qu’une part substantielle de ses exportations industrielles est absorbée par Hong Kong et la Chine!
L’initiative «one road - one belt» est l’agrégation d’une multitude de projets d’infrastructures incluant une foule d’acteurs dans un grand nombre de pays et structurés par une vision globale de développement économique. Il s’agit pour la Chine, devenue le grand pourvoyeur de biens industriels dans le monde, de mieux orienter l’énorme excès de capital résultant de son développement. L’idée de donner une certaine cohérence à cette multitude de projets et de les chapeauter d’un logo de marketing attractif, d’en faire un axe prioritaire de politique étrangère, témoigne d’une véritable réflexion géopolitique et dénote une sensibilité politique qui ne peut que forcer l’admiration. Elle sert les intérêts de la Chine, c’est de bonne guerre. Mais elle sert aussi les intérêts de ses partenaires. Elle ancre davantage encore la Chine dans le développement de l’économie mondiale.
Il est devenu de bon ton de critiquer cette «initiative», d’en décliner tous les défauts, d’y voir un piège. L’administration Trump croit à une menace aux intérêts américains en Asie ou même en Afrique. Pour elle, la Chine est un rival contre lequel elle ferraille des quatre fers avec son absence habituelle de cohérence. L’Union européenne aussi s’en alarme, mais ses divisions l’empêchent d’élaborer une stratégie d’ensemble dans ses relations avec la Chine.
Faut-il voir dans la stratégie chinoise un assaut sournois aux valeurs «occidentales»? Non. Certes, cette stratégie a aussi ses points d’ombre et pèche parfois dans la démesure. Mais la Chine s’est engagée à respecter les règles régissant le commerce mondial, véritable colonne vertébrale visant à assurer un développement équilibré et équitable de la globalisation des échanges. La Chine, ivre de ses nouveaux succès, peut être tentée – est-elle la seule? – de braver les règles du jeu. Il appartient à ses partenaires de prendre les mesures appropriées pour les faire respecter. Fâcheusement, le désarroi qui caractérise actuellement ce qu’il convient d’appeler le «camp occidental», avec une Amérique en crise et une Union européenne affaiblie par ses divisions, est en fin de compte le facteur le plus préoccupant pour la préservation de l’équilibre de notre monde dans les années à venir.
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