L'opinion de Louis Ruffieux. débat sur l'immigration, une intoxication de masse

L’immigration, débat inflammable prisé des boutefeux et des lanceurs de boules puantes. En France, un projet de loi attend son examen parlementaire depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Il prévoit notamment la régularisation des travailleurs sans papiers œuvrant dans les secteurs économiques «en tension» (hôtellerie, restauration, bâtiment, nettoyage…). Les partis se déchirent, le gouvernement craint l’échec. Permanence d’un théâtre politique exclusif et excessif suivi en Romandie avec curiosité. Mais désormais les outrances verbales et les coups bas sévissent ici aussi, attisés de surcroît par la proximité des élections fédérales. Différence essentielle: en Suisse, le théâtre se résume au monologue monomaniaque du premier parti du pays, qui laisse aphones les autres formations politiques, pourtant malmenées. Indifférence, peur de froisser les populistes, lâcheté?

Marco Chiesa, bonne tête de diacre de l’église blochérienne, voix de miel crachant du fiel, le répète avec fierté et sans états d’âme: «Nous avons trop d’étrangers, et pas les bons». Un «journal» électoral de l’UDC, adressé à tous les ménages, décline page après page une lourde xénophobie qui ne s’encombre ni d’un minimum d’honnêteté intellectuelle ni d’une touche d’humanité: une intoxication de masse.

Les étrangers vivant en Suisse ne sont donc «pas les bons». Qui organisera une visite de terrain pour M. Chiesa et ses nombreux fidèles hors-sol? Elle commencerait par les chantiers; privés de travailleurs étrangers, les entreprises du bâtiment et du génie civil mettraient la clef sous le paillasson. Elle se poursuivrait dans un hôpital ou un établissement médico-social; sans médecins et personnel soignant étrangers, ils collapseraient. La visite continuerait dans les cuisines des restaurants et les couloirs des hôtels, dans les exploitations agricoles, dans les hautes écoles et les basses besognes: partout, la main-d’œuvre extérieure contribue à faire tourner la machine helvétique.