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L’imposture, tout un art

Dégonflant, comme une baudruche, les prétentions de l’art contemporain, Benjamin Olivennes suggère une autre histoire de la peinture occidentale


 Thierry Raboud

Thierry Raboud

16 avril 2021 à 18:17

Temps de lecture : 1 min

Beaux-arts » Si tout le monde l’affirme, c’est que ce truc doit bien être de l’art, non? Voir ces baudruches monumentalement kitch signées Jeff Koons, que les milliardaires s’arrachent pour mieux s’afficher. Voir aussi ces provocations des stars Maurizio Cattelan (la banane scotchée sur un mur, à 120’000 dollars, c’était lui), Paul McCarthy (le bouffonnesque «plug anal» gonflé place Vendôme, c’était lui) ou Damian Hirst (le requin flottant dans le formol, c’était lui)…

Impression d’un «immense foutage de gueule»? Né en 1990, Benjamin Olivennes n’hésite pas à l’affirmer dans un essai intitulé L’autre art contemporain, vrais artistes et fausses valeurs. Comme «personne n’a jamais été ému, bouleversé, épaté, admiratif» devant pareilles clowneries spéculatives, cet enseignant-chercheur à l’Université Columbia de New York a entrepris de trier génies et imposteurs. En esthète, il fait émerger une autre histoire de l’art, à rebours des mythographies officielles. Apparaît alors une filiation de grands figuratifs qui n’ont jamais cessé de créer, et de chercher la beauté.

Quel est cet art contemporain que vous décriez?

Benjamin Olivennes: C’est celui que l’on croise dans les salles de ventes, les foires et biennales. Un art qui nous est présenté comme d’aujourd’hui, soutenu à la fois par le marché et les institutions en France. Il se caractérise par sa manière de prolonger, un siècle après, la démarche de Duchamp qui consistait à prendre des objets du quotidien pour les élever au rang d’art, ainsi que celle de Warhol pour qui les images de notre société de consommation avaient une valeur artistique. Un art officiel fondé sur ce qu’il croit être de la provocation, souvent à caractère sexuel.

Comment expliquer son attrait?

Il faut repartir de l’époque des avant-gardes, se souvenir de Van Gogh, Cézanne, Gauguin ou Picasso. Des artistes qui, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, ont élargi le champ de la beauté en peinture. Leurs tableaux, des chefs-d’œuvre qui ont renouvelé notre vision de l’art, ont alors été moqués par les bourgeois, décriés par les critiques. De cette incompréhension, nourrie du mythe de l’artiste maudit, vient une forme de traumatisme: nous avons trop peur d’être le bourgeois rétrograde qui ne reconnaît pas le génie. Pour ne pas paraître idiot au regard de l’histoire, tout le monde accepte cet art contemporain tout en étant bien conscient que c’est n’importe quoi!

Vous y opposez la notion de beauté. Mais n’est-elle pas nécessairement subjective?

Il me semblait important de lutter contre ce lieu commun qui veut que la beauté, c’est terminé. Leçon que l’on croit pouvoir tirer du travail de Duchamp. Mais contrairement à ce qu’ont voulu nous faire croire les avant-gardes, l’exigence de beauté n’a jamais disparu. Sur Instagram, nous publions des photos que nous trouvons belles. Nous meublons notre intérieur selon les mêmes critères… C’est subjectif, mais pas entièrement: je crois en la possibilité d’un consensus sur la notion de beauté.

Une beauté que vous liez directement à la notion de mimesis

Cette manière de représenter la réalité, telle que définie par Aristote, correspond à un besoin humain fondamental, qui s’exprime depuis les premières peintures de Lascaux. Au XXe siècle, les avant-gardes ont prôné le rejet de cette mimesis vue comme une facilité. C’est ainsi qu’est née l’abstraction en peinture, l’atonalité en musique mais aussi le roman moderne ou la poésie contemporaine. La figuration s’est alors réfugiée dans des arts mineurs comme le polar, les littératures de genre, la BD, le cinéma. Mais également chez des artistes qui, à l’image de Hopper ou Bonnard, ont continué à représenter le réel malgré le triomphe de l’abstraction.

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