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Jesse Owens, dieu en 1936 à Berlin

Le mot de la fin >> D’accord, en cet été olympique, de s’arrêter un instant à Jesse Owens? Oui, le héros des Jeux de 1936. Le Noir américain qui a humilié Adolf Hitler à Berlin en raflant quatre médailles d’or.

Jesse Owens: champion et homme exceptionnel envers lequel son pays, ségrégation oblige, s’est très mal conduit...

Pascal bertschy

Pascal bertschy

3 août 2016 à 07:00

Le petit-fils d’esclave noir qui ridiculise l’Allemagne aryenne et nazie, voilà une histoire comme on les aime. Seulement, à côté de ça, il y a les faits. Tels qu’on peut les découvrir, images et témoignages à l’appui, dans «Jesse Owens» par exemple. Il s’agit d’un documentaire américain de Laurens Grant (2012), à ne pas confondre avec le film «Race» («La couleur de la victoire») actuellement au cinéma. Prêt à s’écarter de la légende qu’on nous raconte depuis quatre-vingts ans? Alors voici...

A Berlin, en août 1936, Jesse Owens (1913-1980) vit quinze des plus beaux jours de sa vie. Acclamé par 100'000 spectateurs à chacune de ses apparitions, le sprinter devient après sa victoire sur 100 m l’idole du public allemand. Et ne rate pas une occasion de le remercier de son accueil.

Owens subit du racisme: au sein de l’équipe américaine, qui impose des cantines et des vestiaires séparés à ses athlètes noirs.

Hitler refuse, paraît-il, de lui serrer la main. Il n’a même pas à le faire: le règlement olympique n’autorise pas le dirigeant du pays organisateur à remettre des médailles ou à descendre sur la piste. Hitler se permet de recevoir dans sa loge des médaillés allemands et finlandais, le premier jour des épreuves d’athlétisme, mais le CIO lui rappelle la règle.

Le champion, lui, racontera que le chancelier lui adressa un signe de la main, lors d’un tour d’honneur, et qu’il lui rendit son salut.

Le plus beau: l’amitié de Jesse avec l’Allemand Luz Long, son rival au saut en longueur. L’ange blond encourage l’ange noir, durant leur duel d’anthologie, et ses conseils portent: à son dernier essai, boum, 8 m 06 pour Owens! Long a été tué en Sicile en 1943 sous l’uniforme allemand. Jesse restera toujours proche de son fils.

Tristesse d’Owens: avec son co­équipier noir, Ralph Metcalfe, on l’aligne dans le 4 x 100 m à la place de Marty Glickman et Sam Stoller. Deux relayeurs juifs que les Etats-Unis renoncent à faire courir, par égard pour l’hôte nazi.

Les Jeux finis, Owens est pressé d’aller retrouver sa famille. Avery Brundage, le patron du CIO, l’oblige à disputer des meetings en Europe pour rentabiliser sa gloire. Durant sa tournée, l’athlète est logé dans des trous à rats et rarement nourri. Arrivé en Angleterre, le dieu du stade en a marre et prend le bateau du retour. L’Amérique l’accueille en héros, différentes villes organisent des parades. Mais le soir, même problème partout, Jesse et sa femme ne savent où dormir: aucun hôtel ne veut les accueillir.

De son côté, le président des Etats-Unis ignore le champion. Pas un télégramme, rien. Occupé à sa réélection, Roosevelt ne veut pas heurter les sudistes en félicitant un nègre. Mots d’Owens, plus tard: «Hitler ne m’a pas snobé, c’est Roosevelt qui m’a snobé.»

Précision: cet article n’est pas destiné à réhabiliter Hitler, ni à diaboliser Roosevelt. Il suggère simplement que l’Histoire a cette supériorité sur les clichés: elle, il lui arrive de surprendre...

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