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AVS 21. une périlleuse réforme

Alain Berset entre dans la bataille pour la stabilisation de l’AVS alors qu’il vit une période compliquée


 Guillaume Chillier

Guillaume Chillier

28 juin 2022 à 04:01

Votations fédérales » Il y a un peu plus d’un an, Alain Berset se fâchait contre le parlement. Enervé par les coups de boutoir du Conseil des Etats contre la réforme de l’AVS (AVS21) proposée par le Conseil fédéral, le ministre de l’Intérieur se demandait: «Qui souhaite encore que le projet soit accepté en votation?»

Hier, Alain Berset lançait la campagne du Conseil fédéral pour ce projet retouché par le parlement en vue de la votation du 25 septembre prochain. Surtout, il entre dans la bataille contre son camp, contre les syndicats, contre son parti, contre de nombreuses femmes. Face à la presse, il défend la position du Conseil fédéral. «Je vais m’engager pour défendre cette réforme. (…) Si elle n’avait aucune chance devant le peuple, je pars de l’idée que le parlement ne l’aurait pas acceptée.» Alain Berset se doit de dégager de la sérénité. Or il est plutôt pris dans la tempête (lire ci-après).

1Pourquoi cette réforme?

Selon les projections de la Confédération, le financement de l’AVS va dans le mur. En cause, une combinaison de facteurs, dont le départ à la retraite de la génération des baby-boomers et le vieillissement de la population. En 1948, 6,5 personnes cotisaient à l’AVS pour 1 retraité. En 2020, ce premier chiffre se montait à 3,2. Il sera de 2,6 en 2030 et de 2,1 en 2050. Traduction financière: d’ici à 2030, le fonds AVS sera déficitaire de près de 4,5 milliards de francs, contre un bénéfice de 93 millions en 2021.

C’est le constat que dresse Alain Berset: «Les dépenses augmentent plus vite que les recettes. Dès 2025, nous payerons plus que ce que nous recevons. Il y a un besoin de financement de 18,5 milliards de francs pour les 10 prochaines années.»

2Retraite des femmes et compensations

C’est la grande mesure qui doit permettre d’économiser environ 10 milliards de francs sur 10 ans: augmenter d’un an l’âge de la retraite des femmes, à 65 ans, comme les hommes. Cette hausse se fera en quatre étapes de trois mois chacune, dès l’année suivant l’entrée en vigueur de la réforme, normalement en 2024 et en cas de oui populaire.

Pour faire passer la pilule, la réforme prévoit des compensations pour un montant d’environ 2,8 milliards de francs. L’idée est de donner aux femmes nées entre 1961 et 1969 un supplément annuel de rente, variable d’année en année selon le revenu et l’année de naissance. Celles qui prendront une retraite anticipée auront aussi des conditions avantageuses. Deux mesures qui ne sont pas cumulatives.

3Taux de TVA et flexibilisation

«Nous ne pouvons pas travailler uniquement sur les dépenses. Il faut aussi travailler sur les recettes», plaide Alain Berset. Raison pour laquelle la réforme prévoit une hausse du taux de TVA, qui s’applique à tous les achats réalisés en Suisse. Le taux ordinaire passerait à 8,1% (contre 7,7% actuellement), le taux réduit pour les besoins de première nécessité à 2,6% (2,5%) et celui pour l’hôtellerie à 3,8% (3,7%). Votée séparément du reste de la réforme, cette mesure doit permettre de gagner 14 milliards de francs sur 10 ans.

Autre changement: la possibilité de partir à la retraite à n’importe quel moment de l’année entre 62 ans et 70 ans. Il est aussi permis de toucher une retraite partielle en conservant un emploi à taux réduit – impossible aujourd’hui, ce qui peut être utile pour rattraper des lacunes dans les cotisations.

La réforme prévoit enfin d’inciter à poursuivre une activité lucrative après 65 ans. «Avec ces mesures, nous répondons à un besoin de la population et des milieux économiques», soutient Alain Berset.

4Que s’est-il passé depuis 1995?

Sur les réseaux sociaux après la conférence de presse d’hier, Alain Berset souligne qu’«une AVS en bonne santé est très importante pour tous les Suisses. Nous devons pouvoir compter sur elle et c’est pourquoi elle doit être réformée régulièrement». Pas facile: la dernière réforme acceptée par la population date de 1995. Il s’agissait de la 10e révision. En 2017, le paquet Prévoyance 2020, déjà porté par Alain Berset, s’était brisé en votation populaire. Il prévoyait une double réforme de l’AVS et du 2e pilier.

Seule la réforme de la fiscalité des entreprises, acceptée en mai 2019 et qui comprenait un financement complémentaire de l’AVS, a permis de donner un peu d’air au 1er pilier. «Il a amené 2 milliards de francs en 2020, et 2 autres milliards en 2021», calcule Stéphane Rossini, directeur de l’Office fédéral des assurances sociales.

5Quels arguments pour le référendum?

Le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est le point le plus problématique pour les opposants. Syndicats, grèves féministes, partis écologiste et socialiste dénoncent en effet une réforme faite «sur le dos des femmes», elles qui touchent déjà des rentes «inférieures d’un tiers» à celles des hommes.

Autre crainte: que cette hausse de l’âge de la retraite en appelle d’autres rapidement, pour tous cette fois. L’alternative à cette réforme AVS21, selon les opposants: notamment l’initiative pour que les bénéfices de la Banque nationale suisse (BNS) profitent à l’AVS.

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