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Suisse

Revirement symbolique

Contrairement à l’ancien Conseil national, le nouveau veut davantage de transparence dans le lobbying


 Philippe Boeglin

Philippe Boeglin

3 décembre 2019 à 02:01

Intérêts particuliers » Plus jeune, plus vert, plus féminin, plus progressiste: le visage du Conseil national s’est passablement remodelé lors des élections d’octobre. Et cette métamorphose s’est traduite hier lors du premier vote de la législature. Par 107 voix contre 66, la nouvelle Chambre du peuple a accepté d’entrer en matière sur un projet introduisant davantage de transparence pour les lobbyistes, ces agents qui plaident auprès des politiciens pour des intérêts de l’économie, de la société civile ou des autorités publiques.

Faut-il y voir l’influence du nouveau parlement? Le vent a effectivement tourné. En juin, l’ancien Conseil national, à majorité de droite PLR-UDC, avait refusé d’entrer en matière sur le projet, avec l’appui notoire de la majorité des démocrates-chrétiens. Les cartes ont été rebattues depuis. En acceptant l’entrée en matière, les députés ont renvoyé le texte en commission pour y discuter les détails. Ils pourront ensuite tenter d’accorder leurs violons avec le Conseil des Etats, qui a approuvé le texte.

«Nous nous trouvons dans une phase déclamatoire de la nouvelle législature. Le symbole a son importance», constate Laurent Wehrli (plr, VD). «C’est l’occasion de montrer que le parlement a changé. Ce premier vote comporte une dimension emblématique», remarque Mathias Reynard (ps, VS).

Cette fois-ci, la gauche et les Vert’libéraux ont reçu de l’appui à droite, notamment de la majorité des libéraux-radicaux. «De mon point de vue, le texte proposé reste insuffisant en matière de transparence, mais il représente au moins un petit pas dans la bonne direction. Ce nouveau Conseil national a l’occasion de dépasser ses vieux démons», a argumenté en plénum Matthias Jauslin (plr, AG).

Initié par le désormais ex-conseiller aux Etats Didier Berberat (ps, NE), le projet compte faire la transparence sur les activités de lobbying au parlement. Il prévoit que tous les représentants d’intérêts inscrivent dans un registre public leur employeur ou leurs mandants, dans le cas où ils travailleraient pour une agence spécialisée dans le lobbying. Pour entrer au parlement, les lobbyistes devraient, comme aujourd’hui, obtenir une carte d’accès auprès d’un parlementaire fédéral.

Lobbying «surestimé»

«Ce texte entraînera une surcharge administrative sans apporter de plus-value par rapport à la réglementation actuelle, fait valoir pour les opposants Michaël Buffat (udc, VD). La plus grande partie des activités de lobbying a lieu en dehors du Palais du parlement, avant les séances de commission. Il appartient à chaque parlementaire de se renseigner sur les mandants qu’il rencontre.» La majorité du nouveau groupe du centre (PDC, évangéliques et bourgeois-démocrates) ferraillait dans le même camp. «Ce projet se limite à donner bonne conscience. Le lobbying au parlement est surestimé. On y voit d’ailleurs clairement qui parle avec qui», avance Ruth Humbel (pdc, AG).

Surestimés, les groupes d’intérêts? Pour le socialiste valaisan Mathias Reynard, «j’ai senti durant la campagne électorale que le phénomène ne laissait pas les gens insensibles. Beaucoup appréciaient que je ne siège dans aucun conseil d’administration». Le PLR Laurent Wehrli pèse le pour et le contre. «Je ne pense pas que l’on se trouve dans un parlement à la dérive en raison du lobbying, mais le sujet ne doit pas être sous-estimé. Ce projet doit nous encourager à garder un certain contrôle.»

Deux cartes d’accès

Le projet modelé par le parlement ne va pas aussi loin que l’initiative de l’ex-sénateur Berberat. Le socialiste neuchâtelois voulait notamment en finir avec le système actuel d’attribution des badges. Aujourd’hui, chaque parlementaire dispose de deux cartes d’accès au parlement. Il peut remettre ces sésames à des membres de sa famille, à ses collaborateurs personnels, mais aussi à des lobbyistes.

Selon l’idée originelle de Didier Berberat, les lobbyistes auraient dû s’accréditer auprès d’une autorité à définir. Leur accès au parlement n’aurait plus dépendu des parlementaires. En outre, des sanctions auraient frappé les écarts. Ces deux éléments ont disparu durant les travaux parlementaires.

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