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Suisse

Moins une pour le service civil

Le Conseil national saborde à la dernière minute la réforme visant à affaiblir l'alternative à l'armée


 Thierry Jacolet

Thierry Jacolet

20 juin 2020 à 04:01

Réforme » Le vote semblait plié d’avance. La réforme du service civil avait passé facilement la rampe du Conseil des Etats par 33 voix contre 12 hier en début de matinée en votations finales. Avant le coup de théâtre au Conseil national: 103 voix contre 90 et 5 abstentions sabordaient le projet. Un retournement de situation à mettre sur le compte d’une partie du PDC qui s’est ralliée à la gauche et aux Vert’libéraux.

La Fédération suisse du service civil (CIVIVA) avait pourtant senti le vent tourner depuis le vote d’entrée en matière lors de la session de décembre 2019, accepté à quelques voix près. Elle avait d’ailleurs prévu deux communiqués hier… «Le scepticisme était grandissant ces derniers temps», observe Lisa Mazzone, conseillère aux Etats (verts, GE) et coprésidente de la CIVIVA. A l’origine, l’ancien Conseil national avait fait pression en faveur de la révision de la loi.

Référendum qui refroidit

La nouvelle configuration du parlement depuis les élections de l’automne dernier a changé la donne, selon l’écologiste. «Plus jeune, plus féminin, plus équilibré au niveau des forces politiques, il a une approche différente sur cette question», apprécie-t-elle. Plusieurs députés ont aussi été refroidis par la menace du référendum brandie par les Verts, la CIVIVA et le Groupement pour une Suisse sans armée avec le soutien des socialistes. En particulier dans le camp PDC où quelques-uns ont retourné leur veste.

Ainsi le conseiller national valaisan Benjamin Roduit qui a cédé au pragmatisme. «J’ai changé d’avis, parce que l’on s’aperçoit qu’il y a beaucoup d’oppositions à la réforme et qu’il y a 100% de chances d’avoir un référendum», explique-t-il. «La réforme est perdue d’avance dans ce cas. Il vaut mieux revoir la copie et mettre au point un projet qui renforce l’armée sans pour autant vider le service civil de sa substance car il s’est montré utile pendant la crise sanitaire.» Comme les militaires, les civilistes, plus de 4000, ont été appelés sur le front au plus fort de l’épidémie de Covid-19.

«Un signal clair»

«Le service civil sort gagnant de ce vote qui est un signal clair, savoure Lisa Mazzone. C’est la reconnaissance de l’utilité et de la richesse de ce service qui est destiné à la collectivité. Il y a un soutien très large et d’horizons différents, car il est très bien ancré dans la société et touche autant les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, que des enfants dans des camps de vacances.» Une aide indispensable dans de nombreux domaines (EMS, hôpitaux, agriculture en montagne…).

Ce qui n’empêchera pas le service civil de se renouveler. «C’est le bon moment pour l’améliorer car il continue d’être discriminé dans sa durée, estime Lisa Mazzone. Il faut l’ouvrir aux femmes et aux personnes étrangères.»

Un chantier pour l’armée

Dans les hautes sphères de l’armée, on se retrousse aussi les manches. Le durcissement de l’accès au service civil aurait dû créer un appel d’air en faveur de l’armée qui souffre d’une hémorragie de ses effectifs. «La révision de la loi du service civil était adéquate, raisonnable et surtout capable d’obtenir la majorité aussi au Conseil national, réagit Stefan Holenstein, président de la Société suisse des officiers (SSO). La décision du Conseil national, qui est inattendue et très décevante, va ouvrir un nouveau chantier. Les parlementaires ont confirmé en principe le libre choix pour les jeunes entre le service militaire et le service de protection. Ce qui est dangereux pour le futur.»

Les officiers redoutent de voir glisser entre leurs doigts des jeunes aspirés par le service civil. «L’armée doit améliorer son attractivité, pour les jeunes et aussi pour les femmes, poursuit Stefan Holenstein. Mais on a déjà beaucoup fait pour mettre en place certaines mesures dans ce sens. C’est aussi un point du programme pour la mise en œuvre du projet de réorganisation de l’armée suisse (DEVA) qui durera jusqu’en 2022.»

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