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Multinationales responsables

L’initiative est «une pièce du puzzle»

Le travail des enfants dans les plantations de cacao en Afrique est l’un des enjeux du scrutin


 Ariane Gigon

Ariane Gigon

16 novembre 2020 à 02:01

Multinationales » La Suisse occupe le 3e rang mondial de la consommation de produits à base de chocolat par habitant. Or les fèves de cacao se sont invitées dans la campagne de votation sur les entreprises responsables, car des milliers d’enfants travaillent dans les plantations.

Darío Soto Abril, directeur général de Fairtraide International, faîtière d’organisations de commerce équitable telles que Max Havelaar en Suisse, revient sur les enjeux d’un phénomène aux ramifications complexes, dont un récent rapport (NORC Report) affirme qu’il touche 1,56 million de travailleurs mineurs en Côte d’Ivoire et au Ghana, deux pays d’Afrique produisant plus de 60% de la production mondiale de fèves de cacao.

L’initiative est-elle à vos yeux un moyen d’accélérer la lutte contre le travail des enfants dans les plantations de cacao?

Darío Soto Abril: Si elle n’est qu’une pièce du puzzle, elle est assurément bienvenue. Elle peut permettre de créer une plus grande transparence et d’encourager le dialogue. Car il faut des relations à long terme pour apporter des changements. Il faut parler avec les productrices et producteurs, et non pas décider des choses pour eux. Cela peut même être contre-productif.

Il est aussi parfois rappelé que des enfants, en Suisse également, travaillent, par exemple à la ferme. Qu’en pensez-vous?

Le travail des enfants dans la production de cacao comprend souvent les pires formes, notamment l’utilisation de pesticides nocifs, d’outils dangereux et de longues heures de travail. Les enfants concernés ne peuvent en général pas aller à l’école et ont même parfois été victimes de la traite d’enfants. Je ne pense pas que l’on puisse établir une similitude.

A combien estimez-vous le nombre d’enfants travaillant dans les plantations de cacao?

Nous n’avons pas de chiffres précis car le travail des enfants n’est pas montré, ou très rarement. Selon notre estimation, il est proche de deux millions de mineurs de moins de 16 ans. Il faut aussi toujours citer le contexte: l’augmentation, entre 2008 et 2019, de 14% de la prévalence du travail des enfants de 5 à 17 ans doit être mise en regard avec l’augmentation de 60% de la production, dans les mêmes années.

Quelles sont les causes du travail des enfants?

La pauvreté des familles est la première cause de ce phénomène, mais ce n’est pas la seule. Une faible structure gouvernementale est un facteur aggravant, de même que le manque d’offres de formation. Le Covid-19 s’est rajouté à la liste: nous avons pu mettre en place plusieurs programmes d’aide, au sein d’une coalition.

Que faites-vous concrètement lorsqu’on vous signale une plantation où des enfants travaillent?

Pour protéger l’enfant, nous informons immédiatement les agences locales de protection de l’enfance et le gouvernement local. Flocert, notre certificateur indépendant, commence également à enquêter. Cependant, le plus important est que l’enfant soit en sécurité et protégé contre tout autre préjudice.

Plus généralement, un des moyens les plus efficaces est d’augmenter les revenus des producteurs, donc le prix minimum versé pour la production. Depuis 2010, Fairtrade a pris de nombreuses mesures, comme la mise en œuvre d’un programme dirigé par les communautés pour surveiller et remédier aux cas de travail des enfants. Toutefois, la responsabilité de la lutte contre le travail des enfants incombe à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

Les primes Fairtrade peuvent-elles être suspendues lors d’atteinte aux droits des enfants?

Une telle «punition» serait contre-productive: il n’y aurait plus de monitoring local et, peut-être, par la suite, davantage de travail caché des enfants. Quand nos standards (les règles, ndlr) ne sont pas respectés, les communautés concernées se voient fixer des délais pour corriger la situation. S’il n’y a aucune amélioration, la coopérative est suspendue. Souvent, cela ne fonctionne pas immédiatement, il faut du temps.

L’industrie du chocolat est pointée du doigt dans le rapport NORC. Traîne-t-elle les pieds?

L’industrie du chocolat joue un rôle essentiel dans l’atténuation du travail des enfants. Fairtrade, qui a augmenté le prix minimum et la prime de 20% en octobre 2019, estime que le versement d’un revenu minimum est un bon point de départ, mais il doit y avoir un engagement global de tous les acteurs – les régulateurs, les gouvernements, les fournisseurs et, en fin de compte, les consommateurs, qui peuvent aussi décider de payer le prix juste. Personne n’a, seul, toutes les réponses.

https://www.fairtrade.net/

https://www.kakaoplattform.ch/fr/

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