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Suisse

Les Suisses pas à l’abri de séismes

Le Conseil national se penche mercredi sur un projet d’assurance contre les dégâts occasionnés par les tremblements de terre. D’après le sismologue Philippe Roth, ce danger est sous-estimé en Suisse


 Sevan Pearson

Sevan Pearson

21 septembre 2021 à 21:21

Catastrophes naturelles » Le sol a tremblé vingt-deux fois la semaine dernière (entre le 13 et le 19 septembre) sur le territoire helvétique. Selon le Service sismologique suisse, la magnitude de ces séismes a fluctué entre 0,4 et 2,0 sur l’échelle de Richter. Autant dire que non seulement ces secousses n’ont pas provoqué de dégâts, mais qu’elles n’ont même pas été ressenties. La Suisse n’est cependant pas à l’abri d’un tremblement de terre majeur, bien que ce genre d’événement reste rare (lire ci-après). Empoignant cette éventualité, le Conseil national se penche aujourd’hui sur une motion visant à mettre en place une assurance contre les séismes.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel débat a lieu à l’Assemblée fédérale. «Cela fait longtemps que la question d’une assurance contre les séismes est discutée au parlement. Mais faute de consensus, aucune loi n’a été adoptée jusqu’à maintenant», regrette Christine Bulliard-Marbach (le centre, FR), fervent soutien de la motion. Cette dernière a déjà été acceptée par la commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie des deux Chambres ainsi que par le Conseil des Etats (25 voix pour, 18 contre).

Engagement conditionnel

Soulignant le caractère consensuel du texte, l’élue détaille le projet: «La motion est basée sur la solidarité et prévoit un engagement conditionnel. Cela signifie qu’une prime indexée à la valeur du bâtiment ne serait versée par les propriétaires de tout le pays qu’en cas de séisme causant des dégâts.» En clair: aucune contribution annuelle automatique n’est prévue.

Ce compromis ne convainc pas le conseiller aux Etats zurichois Ruedi Noser (plr). «Il est possible de s’assurer contre des risques individuels (accident, incendie, etc.), mais pas contre de très gros événements qui concernent tout le monde – séisme, accident nucléaire, pandémie, etc.» Un avis partagé par son collègue grison Martin Schmid (plr): «Il ne s’agit pas d’une solution classique d’assurance avec un fonds alimenté au préalable, mais d’un règlement des sinistres. En cas de séisme, seuls les propriétaires seraient soumis à une contribution obligatoire, ce qui n’est pas correct.»

Pour Christine Bulliard-Marbach, l’avantage de cette assurance tiendrait au fait que les primes ne seraient prélevées que si un tremblement de terre survient. «S’il ne se passe rien, cela ne coûte rien aux propriétaires! Et ce système évite de faire porter un fardeau à plusieurs générations», avance-t-elle.


Martin Schmid estime pour sa part qu’il existe d’autres approches. «Il n’y a pas besoin de solution nationale et centralisée. Ce sont les cantons qui sont responsables et ils peuvent promulguer des normes de construction en prévention des séismes.» Prendre des mesures en amont est une chose, mais que faire en cas de tremblement de terre dévastateur? «Il faudra agir sur le moment, comme pour le Covid, en adoptant des lois, en débloquant des aides fédérales, en faisant appel à la solidarité de la population», répond son collègue de parti Ruedi Noser.

Christine Bulliard-Marbach reconnaît que le mécanisme suggéré par la motion pourrait ne pas suffire. «Pour la majorité de la commission, il était important d’inscrire ce mécanisme dans la loi. C’est un principe de précaution basé sur la solidarité en cas de séisme grave. Et il n’empêcherait pas d’augmenter les aides, si nécessaire, par le biais d’un budget extraordinaire, à l’instar de ce qui se fait dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons.»

Soutien en Valais

En Valais, zone particulièrement à risque en termes de séismes, le conseiller d’Etat Frédéric Favre, en charge de la Sécurité, des institutions et du sport, adhère au projet. «Le canton du Valais a toujours soutenu la création d’une assurance tremblement de terre nationale obligatoire. Cantons et Confédération n’ont à ce jour pas encore trouvé une formule susceptible de rallier une majorité. Les discussions tournent en rond depuis des années, quand bien même le risque sismique est avéré et reconnu de tous», déplore le ministre.

Selon lui, la motion adoptée par le Conseil des Etats est le moyen pour sortir de cette impasse. «Elle propose un instrument novateur et solidaire – l’assurance conditionnelle – où les propriétaires ne seront appelés à contribuer qu’en cas de séisme, en proportion de la valeur assurée des bâtiments. La crise du coronavirus nous montre combien il est important d’être prêts en cas de catastrophe. Le dernier tremblement de terre important a eu lieu en Suisse il y a 75 ans. Il est grand temps d’anticiper le prochain», insiste Frédéric Favre.
 

Certains bâtiments sont vulnérables

Pour Philippe Roth, du Service sismologique suisse de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), le risque posé par les tremblements de terre est sous-estimé. Seuls 10% des bâtiments sont assurés sur le territoire helvétique, contre environ 80% en France. Le canton de Zurich est le seul à avoir rendu l’assurance contre les séismes obligatoire. Entretien.

Comment évaluez-vous le danger sismique en Suisse?

Philippe Roth: Il faut distinguer l’aléa du risque sismique, tous deux présents sur notre territoire. Le premier se réfère à la probabilité qu’une région donnée soit touchée par un fort tremblement de terre. Le second combine l’aléa avec le degré de concentration humaine et la vulnérabilité du bâti. Une ville très peuplée peut donc être soumise à un fort risque sismique.

Justement, quelles sont les régions concernées?

L’aléa sismique est élevé en Valais et autour de Bâle. Mais le risque concerne toutes les agglomérations suisses, car les constructions y sont très nombreuses et la concentration de population importante. C’est pourquoi la question d’une assurance contre les tremblements de terre concerne tout le pays.

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