Loi sur la transplantation. La Suisse donne son consentement
La Confédération va passer au modèle du consentement présumé en matière de don d’organes
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Philippe Castella
16 mai 2022 à 04:01
Santé » «C’est une bonne nouvelle pour toutes les personnes qui sont en attente d’un organe.» Le ministre de la Santé, Alain Berset, a salué en ces termes le résultat du vote sur la transplantation. Les Suisses ont accepté à une confortable majorité le passage au modèle du consentement présumé au sens large, avec 60,2% de oui.
Non dans quatre cantons
A noter tout de même que quatre cantons ont rejeté ce changement: les deux Appenzell, Schaffhouse et Schwytz. On observe aussi une forte disparité entre le vote romand et alémanique. Tous les cantons romands ont accepté la modification légale avec plus de 70% de oui, alors que les cantons alémaniques sont en moyenne une vingtaine de points plus bas.
La différence s’explique notamment par l’influence de l’ère linguistique, la France ayant adopté le modèle du consentement présumé, alors que l’Allemagne s’en tient au consentement explicite. Les opposants ont aussi été bien plus actifs et nombreux côté alémanique.
«Ce n’est pas une révolution, c’est une évolution», a expliqué le conseiller fédéral. «C’est la volonté de la personne décédée qui prime et qu’on essaie de respecter au plus près avec ce changement.» Le socialiste a rappelé que les proches continueront à être consultés et à bénéficier d’un droit de veto lorsqu’ils supposent que la personne décédée se serait opposée au don d’organe.
«C’est un résultat clair qui montre la volonté de Suisses de promouvoir le don d’organes», salue sa camarade tessinoise Marina Carobbio Guscetti. Pour la présidente de Swisstransplant, l’organisation chargée d’attribuer les organes prélevés, «cela offrira plus de clarté aussi pour les proches qui sont impliqués dans le processus de décision».
De même, pour Pierre-André Page (udc, FR), «cela va aider les proches à prendre la décision. Aujourd’hui, ils n’osent pas dire oui lorsqu’ils ne sont pas certains de la volonté de la personne décédée.»
Cela permettra-t-il véritablement d’augmenter le nombre de dons? Marina Carobbio Guscetti se veut confiante: «Si on regarde les pays qui ont déjà adopté ce modèle, ils ont davantage de dons d’organes. Mais il est clair que ce n’est pas la seule chose qui compte. Il faudra mettre en place un registre national, augmenter l’information à la population et continuer à disposer d’un personnel hospitalier très bien formé.»
«Un peu moins tabou»
Fer de lance de la campagne du non en Suisse romande, François Bachmann, lui, en doute: «Ce qui est sûr, c’est que le Conseil fédéral a des devoirs à faire en matière d’information à la population. J’espère que l’on assistera à des campagnes d’information beaucoup plus solides que celles vues jusqu’ici de la part de Swisstransplant, qui étaient plutôt des campagnes de publicité.»
Le vice-président du Parti évangélique confesse avoir versé «une petite larme» à la vue du résultat. Le Vaudois ajoute toutefois aussitôt: «Mais nous sommes satisfaits d’avoir lancé une vraie discussion au sein de la population. Le sujet a été porté sur le devant de la scène et il est un peu moins tabou aujourd’hui.»
Le changement de modèle va se faire en douceur. Le consentement présumé n’entrera pas en vigueur avant 2024, a précisé Alain Berset: «La volonté des personnes sera inscrite dans un nouveau registre que la Confédération va créer. Il doit répondre aux exigences les plus strictes en matière de sécurité et de protection des données.» Le Fribourgeois a précisé que «les cartes de donneurs et les directives des patients seront toujours valables.»
Cette entrée en vigueur devra être accompagnée d’une campagne d’information, y compris auprès des cercles de la population qui parlent une langue étrangère. Le ministre a fait valoir que «l’Office fédéral de la santé publique avait déjà une certaine expérience en matière de campagnes d’information. Et d’évoquer en particulier toutes celles sur le Covid-19.
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