Avancée pour le climat
Le Conseil des Etats est entré en matière hier sans opposition sur une révision de la loi sur le CO2
Partager
Philippe Castella
24 septembre 2019 à 04:01
Environnement » C’est un pas important qui a été franchi hier soir en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Le Conseil des Etats est entré en matière sans opposition sur le projet de révision de la loi sur le CO2. Dans l’attitude, il y a un gouffre avec le débat de chiffonniers auquel on avait assisté en décembre au Conseil national sur ce même projet, avec finalement un refus au vote sur l’ensemble et des mois de travail jetés à la corbeille. Le PLR avait tenté d’imposer ses positions minimalistes avec l’appui de l’UDC et celle-ci l’avait lâché ensuite, étant opposée à toute nouvelle mesure en la matière.
Mais en neuf mois, le climat politique s’est fortement réchauffé sur la question climatique. Les manifestations de jeunes à travers le monde entier et l’avènement médiatique de Greta Thunberg ont changé la donne. Le PLR a fait son chemin de Damas sur la question.
Exercice d’autosatisfaction
Ainsi, hier, on a assisté à des discussions d’une sérénité étonnante. Le débat d’entrée en matière a certes été incroyablement long pour la Chambre des cantons. Il a duré plus de trois heures et demie avec une vingtaine d’intervenants, soit presque la moitié des sénateurs.
Un débat à la hauteur des enjeux climatiques, mais il s’est résumé à un grand exercice d’autosatisfaction. Du président UDC de la commission Roland Eberle (TG) au vert Robert Cramer (GE), tous ont souligné l’esprit constructif avec lequel le projet a été mené en commission, conduisant à un sérieux renforcement de la mouture du Conseil fédéral.
«Ne rien faire n’est définitivement pas une option», a clamé Damian Müller (plr, LU) en tant que rapporteur de la commission. «Etant l’un des pays les plus riches du monde, il est impensable que nous ne soyons pas dans le groupe de tête des Etats qui prennent des mesures contre le réchauffement», a enchaîné Werner Luginbühl (pbd, BE).
L’intérêt de grand-père
Beat Vonlanthen (pdc, FR) a exprimé l’importance de l’enjeu d’une manière plus personnelle: «Je déclare ici mes intérêts: en tant que grand-père de la petite Sofia qui aura 82 ans en l’an 2100, je m’engage avec détermination pour qu’elle puisse grandir dans un environnement climatique sain.»
Pour Raphaël Comte (plr, NE), «le temps de la tiédeur politique est révolu. Dans l’expression responsable politique, il y a le terme responsable. A nous d’être à la hauteur de l’enjeu!» Autre confirmation du chemin parcouru par le PLR dans ce dossier, le Vaudois Olivier Français «aspire à ce que le projet soit un peu plus ambitieux» que dans la mouture sortie de commission.
Robert Cramer, lui, est partagé dans son appréciation: «C’est un projet qui essaie de concrétiser de façon crédible les engagements que nous avons contractés dans le cadre des accords», explique-t-il d’une part. Le Genevois admet même que «ce sont des mesures qui ne sont pas forcément populaires et qui demanderont beaucoup de ténacité pour être mises en œuvre. Mais c’est un projet qui est insuffisant par rapport à la menace climatique», tempère le vert.
Même bémol dans la bouche de Didier Berberat (ps, NE): «A l’aune du défi climatique, le bilan est modeste, bien que clairement positif.» Et d’ajouter: «Ce projet est une étape. Le chemin vers une décarbonisation en exigera d’autres.»
Pour bien montrer tout le chemin qui reste à parcourir, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a rappelé qu’«aujourd’hui encore, deux tiers des bâtiments sont chauffés au mazout». Et quand la ministre de l’Environnement jette un coup d’œil aux publicités pour les voitures, elle doit bien constater que ce ne sont pas les performances écologiques qui sont mises en avant.
Réduire à 60% en Suisse
Après avoir accepté d’entrer en matière sans opposition, le Conseil des Etats s’est lancé en fin de soirée dans le débat de détail. Avec déjà une première décision sensible: dans l’objectif de réduire de moitié les gaz à effet de serre d’ici à 2030 (par rapport à 1990), les sénateurs ont fixé à 60% la part minimale à réaliser en Suisse.
Beat Vonlanthen a échoué de justesse (24 à 21) avec sa proposition de porter cette part à 80%, en invoquant que ce serait là un encouragement à l’innovation. Paul Rechsteiner (ps, SG) voulait, lui, même la porter à 100%, n’hésitant pas à comparer l’acquisition de permis de polluer au trafic d’indulgences au Moyen Age. Jusqu’à 40% de la réduction suisse des gaz à effet de serre pourra donc être réalisée à l’étranger.
Le Conseil des Etats va poursuivre ses débats demain, avec dans les points sensibles notamment l’introduction d’une taxe sur les billets d’avion, l’élévation de 10 à 12 centimes par litre du prix de l’essence et le relèvement de la taxe sur le mazout.
Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus