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Suisse

Paysannerie. Arnaud Rochat, visage de la révolte

Depuis qu’il a créé le groupe «Révolte agricole suisse» sur Facebook, le Vaudois est très sollicité par les médias et les milieux agricoles.

Arnaud Rochat est devenu un interlocuteur privilégié des médias et des milieux paysans. © Keystone

Lena Würgler

Lena Würgler

9 février 2024 à 18:40

Temps de lecture : 1 min

Au volant de son tracteur, avec Joy, le chien du patron, sagement couché à ses pieds, Arnaud Rochat fait des allers-retours entre les champs et la fosse à lisier. En cette douce après-midi de février, l’agriculteur de 23 ans a pour mission de procéder à l’épandage des engrais de ferme.

Mais à tout moment, son travail est interrompu par un coup de fil ou une notification retentissant dans son oreillette. Depuis qu’il a créé le groupe «Révolte agricole suisse» sur Facebook le 29 janvier, le Vaudois est sans arrêt sollicité par des journalistes ou des organisations agricoles.

Porte-parole malgré lui

Au point qu’il s’est retrouvé propulsé porte-parole de la colère paysanne romande. Un rôle inattendu que ce fils d’un chauffeur poids lourds et d’une éleveuse de chevaux endosse de bon cœur et avec aisance. «C’est plaisant d’être sous le feu des projecteurs», admet-il, «parce que cela me permet de faire passer un message. Beaucoup d’agriculteurs sont contents de voir, enfin, un paysan parler en leur nom.»

Préoccupé de longue date par l’avenir de la profession, il a vu dans les manifestations françaises l’occasion de passer à l’action. «Je me suis dit: c’est maintenant ou jamais qu’il faut se battre!» Submergé au départ par l’intérêt massif suscité par sa démarche – plus de 7000 adhésions en quelques jours –, l’agriculteur se dit surtout soulagé d’avoir évité l’affront d’un «flop monumental».

«Ce succès prouve que les gens sont touchés par la problématique et que nous ne sommes pas juste quelques rigolos isolés», relève le jeune homme, qui vit avec ses parents sur un petit domaine agricole de 6 hectares au-dessus de Bavois, dans le Nord vaudois.

Alémaniques à convaincre

Désormais, il espère voir ses confrères d’outre-Sarine se greffer à la lutte. Le défilé de tracteurs organisé à Bâle-Campagne samedi dernier, en parallèle à un rassemblement similaire à Genève, lui donne bon espoir.

«Les Alémaniques ont tendance à se réveiller moins vite, mais à tenir plus longtemps», plaisante-t-il. «S’ils nous rejoignent, nous savons qu’ils ne vont rien lâcher.» Le robuste jeune homme aspire à mobiliser les paysans de toute la Suisse, «parce que plus nous serons, plus nous aurons de poids».

Bien sûr, les «anciens» l’ont prévenu: ils ont déjà essayé de faire bouger les choses. Ils ont manifesté à Genève en 1990, ont bloqué une Migros en 1995, se sont fait gazer par la police à Berne en 1996, ont lancé leurs bottes contre la conseillère fédérale Doris Leuthard et déversé des centaines de litres devant l’usine Cremo à Fribourg en 2009. Rien n’y a fait.

«Un problème de fond»

Pour Arnaud Rochat cependant, le contexte est différent aujourd’hui. Déjà parce que les réseaux sociaux et messageries instantanées facilitent la mobilisation. Mais surtout parce que toutes les filières agricoles sont concernées. «A l’époque, c’était soit le secteur du lait qui se mobilisait, soit celui de la viande ou des céréales. Notre «chance», si je peux dire, c’est que nous luttons cette fois contre un problème de fond, qui touche absolument tout le monde.» Comme beaucoup de ses confrères, il est fatigué par les lourdeurs administratives, les multiples contrôles d’exploitation, les changements incessants de politique agricole et les injonctions parfois contradictoires.

Mais le cœur du problème, à ses yeux, ce sont les prix versés aux producteurs par la grande distribution. «Notre travail n’est pas reconnu à sa juste valeur», défend-il, convaincu que les conditions du marché découragent les jeunes passionnés qui, comme lui, rêvent de gérer leur propre exploitation, mais que l’insécurité financière rend hésitants. Et qui mènent la révolte aujourd’hui.

«Reprendre un domaine, c’est un investissement important, non seulement financièrement mais aussi au niveau personnel, puisque cela implique d’y mettre toute son énergie pour le reste de sa vie», relève celui qui, pour l’instant, travaille comme employé agricole sur une exploitation de Champagne, près d’Yverdon.

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